La chimiothérapie par les sels de platine provoque une forme de destruction de l’ADN très particulière. Le platine et ses dérivés se fixent sur les brins d’ADN et forment des adduits volumineux qui ne sont pas irréversibles, contrairement aux cassures générées par la radiothérapie.
Certaines cellules tumorales sont en effet capables de résister à cette action à l’aide de mécanismes appelés mécanismes NER (Nucleotide Excision Repair). Cette résistance est particulièrement gênante pour certaines tumeurs solides pour lesquelles il existe peu d’alternatives thérapeutiques.
1 200 molécules testées pendant 6 mois
« Cela fait depuis longtemps que les laboratoires cherchent à endiguer le mécanisme NER, » explique Frédéric Coin, directeur de recherche INSERM à l’Institut de génétique et de biologie moléculaire et cellulaire de Strasbourg, dont l’équipe a testé 1 200 molécules contenues dans une banque de donnée de la food and drug administration (FDA). Les chercheurs ont exposé des cultures de cellules cancéreuses issues d’adénocarcinomes du colon ou de carcinomes ovariens à chacune de ces 1 200 molécules pendant une douzaine d’heures, avant de les soumettre aux UV et au cisplatine. Elles ont ensuite été postincubées pendant trois heures dans un environnement neutre.
Au bout de six mois, seule la spironolactone s’est révélée capable d’augmenter la sensibilité des cellules cancéreuses aux UV et au cisplatine. En effet, la spironolactone est capable de détruire une sous-unité du facteur de transcription TFIIH, impliqué dans la destruction des adduits volumineux. L’inactivation de cette protéine a permis de réduire en outre la capacité de transcription de l’ARNm de la cellule. Cette dégradation a lieu au cours de l’heure qui suit le début de l’exposition à la spironolactone, et le renouvellement de cette protéine s’effectue en moins d’une heure après la fin de l’exposition. Son action est donc très limitée dans le temps, mais est suffisante pour augmenter la toxicité du platine avec lequel elle est co-injectée. Les auteurs notent en effet que l’IC50, c’est-à-dire la quantité de cisplatine nécessaire pour détruire la moitié des cellules cultivées, est de 0,9 µm en présence Spironolactone contre 2,8 sans.
Une réévaluation nécessaire ?
Interrogé sur le risque d’augmentation de la toxicité globale de la chimiothérapie, le directeur de recherche Frédéric Coin explique au « Quotidien » que « Nous ciblons les cancers qui nécessitent une chimiothérapie par injection directement dans la tumeur, donc les tumeurs solides du poumon ou de l’ovaire. » La spironolactone est indiquée depuis plus de 30 ans dans le traitement de l’hyperaldostéronémie primaire et de l’hypertension artérielle, mais son administration se fait par voie orale. « Les produits obtenus après la métabolisation par le foie ne dégradent pas la sous unité-XPB de la TFIIH », souligne Frédéric Coin. C’est pourquoi un effet aussi radical que celui observé lors de l’expérience de l’équipe strasbourgeoise n’est théoriquement pas envisageable lors de la prise orale de ce médicament. « J’aurais tout de même tendance à penser qu’une réévaluation de ce médicament serait nécessaire », estime Frédéric Coin à la lumière de ces résultats. « D’autant plus que quelques papiers suggéraient déjà un possible effet cancérigène chez les patients prenant de la spironolactone sur une très longue période », précise-t-il.
Un profil de toxicité bien connu
Les chercheurs de l’équipe de Frédéric Coin vont maintenant mener des expériences in vivo sur un modèle de souris souffrant d’un cancer du poumon. « Si cela fonctionne, nous avons déjà plusieurs cliniciens intéressés pour participer à des essais cliniques. » La molécule étant ancienne, son profil de toxicité est plutôt bien connu, « mais le fait qu’il faille l’injecter directement va peut-être demander des tests supplémentaires pour évaluer la dangerosité ».
Sergey Alekseev et all, A small molecule sreen indentifies an inhibitor of DMA repair inducing the degradation of TFIIH and the chemosensitization of tumor cells to platinum, Chemistry & Biology 21, 10 mars 2014
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