L’ADNtc est un outil puissant, qui promet de modifier profondément la prise en charge dans le cancer colorectal, dont l’incidence en France s’élève à près de 43 000 nouveaux cas par an. Deux études, auxquelles participe Gustave Roussy, s’intéressent à l’ADNtc. Elles utilisent la technique de PCR digitale avec une analyse de méthylation de l’ADN.
Deux études prometteuses sur l’ADNtc
L’essai clinique randomisé multicentrique de phase III, CIRCULATE-PRODIGE 70, a pour objectif d’utiliser l’ADNtc comme outil de décision thérapeutique, chez des patients opérés d’un cancer du côlon localisé de stade 2. « Après la chirurgie de la tumeur primitive, ces patients sont normalement guéris et ne devraient pas présenter d’ADNtc, explique la Dr Léonor Benhaïm, chirurgienne, membre du comité de pathologie digestive de Gustave Roussy et co-coordinatrice de cette étude. De fait, ils ne reçoivent pas de chimiothérapie adjuvante. Or, on trouve de l’ADNtc dans les biopsies liquides de 10 à 15 % d’entre-eux, ce qui les expose à un risque de récidive de 50 %. Cette maladie résiduelle minime est indétectable à l’imagerie ». De plus, certains patients, classés en stade 2 à haut risque sur la base de critères histologiques (embols vasculaires, engainement périnerveux, bourgeonnement tumoral…), reçoivent une chimiothérapie sans que la légitimité de cette attitude ne soit établie. Dans CIRCULATE-PRODIGE 70, l’ADNtc sera recherché un mois après la chirurgie, et les patients positifs seront randomisés entre une prise en charge standard (la surveillance) ou un traitement par FOLFOX (acide folinique, 5-fluorouracile et oxaliplatine) sur six mois. « L’hypothèse statistique est que cette chimiothérapie réduise le risque de récidive à trois ans chez cette population à risque », précise la chercheuse. À ce jour, l’étude a inclus 770 patients, pour lesquels l’ADNtc a été recherché, et des résultats préliminaires sont attendus pour 2023.
La seconde étude, PRODIGE 88-CIRCULATE PAC, sera menée chez des patients atteints d’un cancer du côlon de stade 3 (atteinte ganglionnaire sans métastase) et traités en adjuvant par trois à six mois de FOLFOX. Elle évaluera l’intérêt de poursuivre cette chimiothérapie lorsque de l’ADNtc est détecté à la fin de ce premier traitement adjuvant. Le risque de récidive chez les patients ayant reçu une chirurgie puis une chimiothérapie est faible. Pourtant, 15 % d’entre eux ont encore de l’ADNtc, avec un risque de récidive. A partir de 2023, 249 patients issus de 50 centres français seront ainsi randomisés entre un groupe sous FOLFIRI (acide folinique/5FU/irinotécan) et trifluridine/tipiracil, et un bras bénéficiant d’une surveillance classique. Globalement, les patients récidivent dans les deux à trois ans, d’où des résultats attendus pour 2029.
« L’ADNtc promet de devenir un formidable outil à chaque étape du traitement pour soutenir soit l’escalade, soit la désescalade thérapeutique, résume la Dr Léonor Benhaïm. Ces deux études sont centrées sur l’escalade thérapeutique, pour intensifier le traitement en cas d’ADNtc. Mais nous élaborons aussi des projets d’études sur la désescalade thérapeutique, par exemple chez les patients atteints d’un cancer du côlon de stade 3 opérés recevant une chimiothérapie systématique. L’idée est de se fonder sur la présence ou l’absence d’ADNtc pour décider d’administrer, ou non, l’oxaliplatine en complément du 5-FU ».
Prédire l’évolution métastatique grâce à une signature transcriptomique
Plus de 20 % des cancers du côlon sont classés en stade 4, lors du diagnostic. Après le foie et le poumon, le péritoine est le troisième site métastatique (8 % des patients) et le plus défavorable en termes de survie, en raison d’une faible réponse à la chimiothérapie systémique. De plus, le retentissement est considérable sur la qualité de vie des patients (ascite, occlusions digestives). « Afin d’affiner la stratégie thérapeutique, nous avons essayé de comprendre pourquoi une tumeur primitive donnait préférentiellement des métastases au niveau du foie ou du péritoine, explicite le Dr Maximiliano Gelli, chirurgien viscéral (Gustave Roussy) et auteur de ce travail de recherche. En procédant à l’analyse de l’expression de l’ARN au niveau de la tumeur primitive, nous avons identifié une signature transcriptomique associée au site métastatique, au niveau du foie ou du péritoine. A ce stade, nous avons identifié plusieurs mutations génétiques au sein d’une soixantaine de gènes, un panel que nous espérons réduire au maximum. Nous avons également montré que les tumeurs primitives à l’origine de métastases péritonéales présentaient une surexpression de certains gènes, dont les protéines ont pu être reliées à des voies de signalisation. Précisément, les voies immunitaires et inflammatoires sont plutôt liées à des métastases péritonéales. Quant aux voies ayant trait au métabolisme glucidique, elles sont davantage en rapport avec les métastases hépatiques. Cette étude de preuve de concept confirme l’existence de deux voies tumorales différentes et renforce le concept très actuel d’hétérogénéité intra- et inter-tumorale. La prochaine étape sera de valider nos découvertes à large échelle à partir de cohortes, et d’obtenir une signature définitive sur un nombre plus restreint de gènes. Chez les patients les plus à risque de métastase hépatique, on pourrait alors imaginer de recourir à une chimiothérapie intra-artérielle hépatique, si son efficacité se confirme dans les essais randomisés en cours ».
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