C'est encore un cas isolé, mais il est scruté par beaucoup de spécialistes : un patient français, infecté par le VIH et traité pour un cancer du poumon, a vu ses réservoirs viraux réduits par un inhibiteur de checkpoint.
« Nous manquons encore de recul, il faut donc rester très prudent », prévient le Pr Jean-Philippe Spano, du département d'oncologie médicale du groupe hospitalier Pitié-Salepétrière-Charles-Foix (AP-HP), qui a cosigné une lettre de recherche décrivant ce cas clinique dans « Annals of Oncolgy ». Ce spécialiste y voit tout de même « la première démonstration de la théorie du "shock and kill" développée par le Pr Françoise Barré Sinoussi » prix Nobel de Médecine 2008 pour la découverte du VIH. Cette théorie veut que l'on pourrait extirper le virus de ses réservoirs, en forçant une réactivation de sa réplication, ce qui est possible en inhibant les points de contrôle des lymphocytes infectés (CTLA-4, PD-1, PD-L1, etc).
Le patient est un homme de 51 ans, infecté en 1995, et diagnostiqué pour un cancer du poumon non à petites cellules EGFR-/BRAF-/Kras-/PD1- en mai 2015. Conformément aux recommandations sur la prise en charge des cancers des personnes vivant avec le VIH (réactualisées en août dernier) il suit un traitement par l'anti PD1 nivolumab, en 2e ligne d'une rechute après chirurgie.
La tolérance s'est révélée être très bonne, avec des taux de CD4 et de CD8 stables, à part une légère baisse au 30e jour. La charge virale plasmatique a quant à elle légèrement augmenté passant de moins de 30 à 101 copies/ml au 45e jour, puis a diminué pour atteindre 31 copies/mL au 120e jour. La donnée la plus importante est l'effondrement de la quantité d'ADN viral présent dans les lymphocytes T CD4, passée de 369 copies par millions de cellules à 30 par millions.
Des données encore rares
Ce résultat est important, car les données sur l'effet des immunothérapies contre le cancer chez les patients séropositifs sont encore rares. « Les patients VIH sont exclus des essais cliniques, rappelle le Pr Spano. Nous avions principalement des données sur une série d'une quizaine de patients qui montrent que les traitements sont bien tolérés. »
En 2015, un autre patient australien traité par Ipilimumab pour un mélanome métastatique avait vu s'améliorer la réponse spécifique de ses Lymphocytes T CD8 + dirigés contre le VIH. En avril dernier, ce sont des médecins du centre hospitalier Yves Le Foll de Saint-Brieuc qui ont détaillé le cas simiaire d'un autre patient traité par nivolumab. Le patient décrit dans « Annals of oncology » est le premier pour lequel « on observe une diminution aussi importante et de manière aussi durable, avec un recul de près de 6 mois », précise le Pr Spano.
Une cohorte et un essai en vue
La question de la reproductibilité de ce cas va être étudiée dans le cadre de la nouvelle cohorte ANRS OncoVIHAC de patients séropositifs traités par inhibiteurs de checkpoint. « On s'attend à inclure une centaine de patients, dont environ 50 feront l'objet d'une sous étude sur l'exploration immunologique », précise le Pr Spano. Lors des dernières rencontres de la cancérologie française, le Pr Spano a également annoncé la mise en place d'un essai thérapeutique recrutant spécifiquement des patients séropositifs atteints de cancers chez qui les inhibiteurs de checkpoint sont indiqués.
Reste la question importante : peut-on envisager un essai clinique combinant antirétroviraux et inhibiteurs de checkpoint, et les effets secondaires qui les accompagnent, chez des patients bien portants, non atteints de cancer ? « C'est un débat qui n'est pas tranché, reconnaît le Pr Spano. Nous aimerions mettre en place des essais spécifiques sur des patients sans cancer, mais il va nous falloir davantage de données sur la tolérance. »
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