« Le paysage thérapeutique du mélanome avancé a complètement changé au cours des trois dernières années, assure le Dr Caroline Robert. Mais la mortalité reste élevée, il faut poursuivre les efforts », ajoute-t-elle aussitôt, pour raison garder.
Le mélanome dans sa forme métastatique, lorsque les métastases ont dépassé le stade locorégional et ne sont plus opérables, concentre toutes les difficultés thérapeutiques. « Jusqu’à il y a 3 ou 4 ans il y avait peu de traitement en dehors de la chimiothérapie mais elle n’a jamais démontré une augmentation de la survie des patients. Depuis trois ans nous avons eu deux progrès très très importants, explique le Dr Caroline Robert, l’immunothérapie qui par définition stimule le système immunitaire et les thérapies ciblées qui cible certaines protéines mutées ».
Les premiers progrès dans le traitement du mélanome métastatique sont venus de l’immunothérapie avec l’arrivée de l’Ipilimumab (Yervoy) , Il s’agit d’un anticorps qui bloque l’antigène 4 des lymphocytes cytotoxiques (CTLA-4) un frein physiologique du système immunitaire. Les lymphocytes, ainsi stimulés vont alors détruire les cellules tumorales. Il s’administre par voie intraveineuse et « est efficace chez peu de patients, mais pour les 15 à 20 % de patients qui en bénéficient, les rémissions sont de longue durée, explique le Dr Caroline Robert. Pour certains patients nous avons jusqu’à 10 ans de recul. Les réponses sont souvent tardives, n’apparaissant parfois qu’après 4 mois à 6 mois après le début du traitement. Elles peuvent parfois être précédées d’une augmentation transitoire des métastases au début du traitement ». Les effets secondaires de l’ipilimumab sont nombreux, de type auto-immuns à type d’éruptions cutanées, de diarrhées, de colites, qui ressemblent à des maladies de Crohn, d’hépatites et d’insuffisance endocrinienne.
« Très rapidement après, reprend le Dr Robert, nous avons eu la thérapie ciblée anti-BRAF, levémurafenib (Zelboraf) traitement oral, que l’on utilise chez les patients dont le mélanome est porteur d’une mutation de BRAF « . Le traitement est efficace chez 60 % des patients avec des fontes tumorales rapides mais les résistances secondaires apparaissent au bout de 7 mois en moyenne. Sur le plan statistique, la survie médiane est augmentée significativement, passant de 9 à 10 mois avec la chimiothérapie à 15 à 17 mois avec le vemurafenib. Rapidement après, un deuxième anti-BRAF, le dabrafénib (Tafinlar), était aussi sur le marché. « Nous en étions là en 2011 donc on avait l’ipilumimab et le vémurafenib et le dabrafenib ».
Des progrès dans les deux voies thérapeutiques
« Heureusement nous avons encore progressé, dans les deux stratégies thérapeutiques :les thérapies ciblées et l’immunothérapie. On a mieux que l’ilipilumab , nous avons dorénavant les anticorps anti PD-1( programm cell death) dont deux exemplaires sont en cours de développement, l’un chez BMS et l’autre chez Merck ». Les anticorps monoclonaux anti-PD-1 agissent en inhibant un autre frein du système immunitaire, l’interaction entre PD-1 et ses ligands PDL-1 et PDL-2. Ils raniment en quelque sorte les lymphocytes présents dansles tumeurs, mais qui étaient inactivés par l’action des cellules tumorales. « On bloque un mécanisme qui bloque, poursuit le Dr Caroline Robert, donc la résultante est que l’on libère le système immunitaire. Les anti-PD-1 sont efficaces chez environ 30 à 40 % des patients. La réponse est également très prolongée et la durée moyenne des réponses n’est pas encore connue ». « Certains patients sont en rémission complète depuis plus de deux ans. « C’est un progrès incroyable, se réjouit le Dr Robert, les anti-PD1 sont beaucoup mieux tolérés que l’ipilimumab avec des effets secondaires de grade 3 et 4 autour de 12 à 14 % versus 22 % avec l’ipilimumab. Dans l’essai que nous venons de publier dans le NEJM (voir encadré) chez des patients atteints de mélanomes métastatiques sans mutation de BRAF, qui ont reçu soit de la chimiothérapie classique (dacarbazine), soit…le nivolumab.. les résultats sont spectaculaires, avec un hazard ratio à 0,42, ce qui équivaut à diminuer le risque de décès de 58 %. C’est un essai très positif qui a répondu à l’objectif principal et à tous les critères secondaires. Le temps médian de réponse est de 2 mois et demi. C’est donc un médicament relativement peu toxique qui s’administre en intraveineux tous les 15 jours et qui donne des réponses bien meilleures que la chimiothérapie ».
Les anti-BRAF associés aux anti-MEK
Dans l’autre voie, celle des thérapies ciblées, les progrès sont tout aussi rapides : un essai qui vient d’être publié dans le « NEJM » a testé l’association d’un anti-BRAF (dabrafenib) et d’un anti-MEK (trametinib) comparé au vémurafenib seul chez des patients présentant un mélanome métastatique. « L’effet est également très positif, le risque de décès est diminué de 31 % ». Tous les objectifs ont été atteints et les résultats sont d’autant plus intéressants que la toxicité n’est pas augmentée. « Ce qui est très intéressant c’est que certains effets secondaires, proliférations cutanées, papillomes, kératoacanthomes, et carcinomes épidermoïdes cutanés, qui, on le sait, sont liés à une activation paradoxale par l’anti-BRAF, de la voie que l’on veut bloquer, sont stoppés lorsqu’on associe à l’anti-BRAF, un anti-MEK » explique le Dr Caroline Robert.
Cliquer sur le tableau pour l'agrandir
Immunothérapie ou thérapie ciblée en première intention ?
La question que l’on peut se poser aujourd’hui est de savoir s’il faut traiter les patients avec mutation de BRAF par une immunothérapie ou par un traitement ciblé en première intention.
« On ignore la réponse à cette question, et il faudra évaluer ces hypothèses dans le cadre d’essais cliniques, mais à ce jour, lorsque les patients présentent des mutations très évolutives qui menacent les organes vitaux, on s’oriente en premier lieu vers une thérapie ciblée qui a le plus de chance d’agir vite, alors que pour les patients qui progressent lentement, on peut à juste titre se poser la question de proposer une immunothérapie en première intention » estime Caroline Robert.
À ce jour, les anti-PD-1 sont accessibles en ATU chez les patients en échec de l’ipilimumab, et la combinaison anti-BRAF + anti-MEK n’est pas encore disponible. « Nous espérons une mise sur le marché rapide de ces produits. Des combinaisons d’immunothérapies et de thérapies ciblées sont en cours d’évaluation ».
CCAM technique : des trous dans la raquette des revalorisations
Dr Patrick Gasser (Avenir Spé) : « Mon but n’est pas de m’opposer à mes collègues médecins généralistes »
Congrès de la SNFMI 2024 : la médecine interne à la loupe
La nouvelle convention médicale publiée au Journal officiel, le G à 30 euros le 22 décembre 2024