Comment, dans l’intérêt des patients, mettre sur le marché plus rapidement un médicament n’ayant pas encore obtenu son Autoristation de mise sur le marché (AMM) pleine et entière ? Cela fait plusieurs années que les autorités européennes du médicament réfléchissent à cette question sans avoir réussi, pour l’instant, à mettre en place un système qui fonctionne de manière optimale. « Il y a plus de dix ans, il n’y avait aucun moyen d’obtenir une mise sur le marché accélérée. La seule chose qui existait, c’était l’AMM pleine et entière, décidée par la Commission après une instruction du dossier par le Comité européen des médicaments à usage humain (CHMP). Quand le Comité estimait qu’un produit pouvait être mis sur le marché, il concluait, dans une formulation affirmative, que le rapport bénéfice/risque était positif », explique le Dr Pierre Démolis, vice-président du CHMP et directeur-adjoint de la direction de l’évaluation de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM).
Au cours des années suivantes, plusieurs projets ont été élaborés pour délivrer une autorisation plus précoce sous certaines conditions. « On faisait en effet le constat que, parfois, il arrive que certaines pathologies soient tellement rares qu’il est très difficile de mener des essais contrôlés à deux bras avec un nombre suffisant de patients pour obtenir la certitude que le bénéfice/risque est positif. Dans l’intérêt de ces patients, très peu nombreux, il faut bien prendre des décisions à partir de critères plus relâchés », explique le Dr Démolis. L’Agence européenne du médicament (EMEA, qui deviendra EMA à partir de 2004) a d’abord imaginé un dispositif permettant de délivrer des AMM flexibles dans des circonstances exceptionnelles (« under exceptional circumnstances »). « L’idée était de donner une AMM, révisable tous les ans, avec la possibilité que celle-ci devienne définitive si le niveau de preuve se révélait suffisant. À l’inverse, en cas de survenue de données défavorables, l’AMM pouvait être retirée », explique le Dr Démolis, en ajoutant que ce dispositif a été peu à peu détourné sciemment par le CHMP et la Commission européenne. « On est parfois en présence de médicaments avec un bon niveau de preuves sur le rapport bénéfice/risque mais dont le développement n’est pas complètement terminé. Par exemple, il peut rester un dernier essai clinique devant s’achever dans les six mois. Dans ce cas, il est arrivé que l’on délivre l’AMM « under exceptional circumnstances » car nous étions très pressés de mettre le produit à disposition des patients ».
L’EMEA a alors conçu un autre projet : l’AMM conditionnelle (conditional approach marketing authorization). « L’idée était de pouvoir obtenir une mise sur le marché plus précoce d’un médicament très attendu, par exemple pour une pathologie grave, et dont on était pratiquement certain d’un bénéfice/risque présumé positif. En sachant qu’il y avait bien sûr la possibilité de révoquer à tout moment cette autorisation provisoire si, au final, le produit se montrait moins performant que prévu », explique le Dr Démolis. Ce projet d’AMM conditionnelle a été présenté à la Commission européenne qui a supprimé le mot présumé juste avant positif. « Cela n’est pas anodin car, du coup, ce dispositif d’AMM conditionnelle existe sur le papier mais, pour pouvoir être utilisé, il faut que le bénéfice-risque soit positif et pas seulement présumé positif. Résultat, il n’y a pas une énorme différence avec une AMM classique. C’est même plutôt contraignant pour la firme qui, en cas d’AMM conditionnelle, se voit demander un certain nombre d’études complémentaires avec le risque que l’AMM conditionnelle soit révoquée à tout moment ».
Aujourd’hui, l’EMA travaille sur un autre concept : l’adaptive licensing. « Il y a encore quelques interrogations autour de ce nouveau projet. Tout d’abord, il est difficile de traduire en français de manière claire cette expression « adaptive licensing » et de voir exactement à quoi cela correspond : licensing ne signifie pas marketing authorization », constate le Dr Démolis. Avec ce nouveau projet, l’idée de l’EMA est de pouvoir donner son feu vert à un produit potentiellement très prometteur pour une petite catégorie de patients. « Il arrive que, dans certains cas, on ressente le besoin d’accepter le médicament dans une indication restreinte, quitte à poursuivre la surveillance et à instaurer un échange de communications très solide avec la firme. Ensuite, on avance de manière progressive en élargissant au fur à mesure les indications pour arriver, si tout va bien, à l’AMM définitive ».
L’EMA a procédé à une phase pilote de ce projet mais la Commission européenne n’a pas encore donné formellement son accord. « Mon avis personnel est qu’on cherche juste à ressusciter l’ancien projet d’AMM conditionnelle qui pourrait très bien fonctionner si la Commission européenne rétablissait simplement le mot présumé pour le bénéfice/risque positif », estime le Dr Démolis.
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