L'épidémiologie du cancer du poumon change peu à peu en France, comme le montrent les résultats de l'étude KBP-2020, présentée en amont du 26e congrès de la Société de pneumologie de langue française. Il s'agit de la 3e édition de cette étude en vie réelle après celles de 2000 et 2010. Elle met en évidence des signaux d'alerte tels que la nette progression de la population féminine ainsi que le diagnostic tardif des cancers dépistés en France. Mais aussi une diminution du cancer chez les jeunes et une augmentation de la part des non-fumeurs.
L'édition 2020 a été quelque peu perturbée par l'épidémie de Covid-19, comme l'indique son coordinateur, le Dr Didier Debieuvre, chef du service de pneumologie à l'hôpital Émile-Muller de Mulhouse : « L'étude KBP-2000 rassemblait 5 667 patients, celle de 2010 en comprenait 7 051, se souvient-il. En 2020, nous visions 10 000 patients mais nous n'avons recruté que 8 999 patients, soit tout de même 20 % des nouveaux cas annuels de cancers bronchiques en France. »
Le cancer du poumon continue à progresser chez les femmes
Alors qu'elles représentaient 16 % des patients victimes d'un cancer du poumon en 2000, et 24 % en 2010, les femmes représentent désormais 34,6 % des nouveaux diagnostics. « Une augmentation exponentielle, malheureusement attribuable à l'augmentation du tabagisme chez la femme », explique le Dr Debieuvre. Chez les jeunes, le phénomène est encore plus marqué, puisque 40 % des nouveaux cas de cancer bronchique de moins de 50 ans sont des femmes. Autre fait relevé par l'étude KBP-2020 : l'augmentation de la part des non-fumeurs parmi les malades qui sont désormais 12,6 % contre respectivement 10,9 et 7,2 % en 2010 et 2000. Les auteurs ont aussi pour la première fois étudié l'impact de la consommation de cannabis qui est présente chez 3,6 % des patients et un tiers de ceux de moins de 50 ans.
Les auteurs dressent également le constat d'un vieillissement de la population atteinte par le cancer du poumon. C'est d'ailleurs l'augmentation des patients âgés de plus de 80 ans, non fumeurs et dont la pathologie peut être associée à l'âge, qui explique mécaniquement la diminution de l'impact du tabac dans le cancer du poumon en France. La diminution du nombre de cancer du poumon chez les jeunes « pourrait être une conséquence des campagnes de lutte contre le tabac qui seraient en train de faire leurs preuves », veut croire le Dr Debieuvre, qui reste toutefois prudent : « Pour en être sûr, il faudra attendre KBP-2040 », prophétise-t-il.
Un argument de plus pour le dépistage organisé
Le diagnostic tardif reste la norme depuis 2000 : 60 % des cancers dépistés sont métastatiques ou de mauvais pronostic d’emblée… Pour le Dr Debieuvre, il s'agit d'un nouvel argument en faveur de la mise en place d'un dépistage organisé du cancer du poumon chez les patients à risque (1), pour laquelle la Haute Autorité de santé (HAS) reste réticente, malgré une efficacité démontrée dans plusieurs études. Des expérimentations ont également été lancées en France.
« Il est important qu'on ait une validation par la HAS et des recommandations nationales, insiste le Dr Debieuvre. Les modalités, telle que la périodicité des examens (entre un et trois ans), doivent être discutées. La difficulté dans ce dépistage est de ne pas donner une sensation rassurante vis-à-vis du tabac : il faut donc associer ce dépistage à des conseils d'aides au sevrage tabagique. Il est aussi envisageable de coupler les examens par scanner microdosé à des études de biomarqueurs. Une étude italienne a récemment montré que cette association améliore la prise en charge. Quand on dépiste un cancer bronchique de stade 1, le taux de guérison est de 80 à 90 %. »
Dernier changement documenté par l'étude : le recours de plus en plus large à la recherche de mutations. Depuis 2010 et l'apparition des thérapies ciblées, on estime que cet outil est utilisé chez 56 % des patients et chez 88 % des patients éligibles (ceux atteints de cancer bronchique non à petites cellules par exemple). « C'est une bonne nouvelle, commente le Dr Debieuvre. L'accès aux thérapies ciblées est en marche et généralisé sur le territoire français. Nous devons encore analyser les données de KBP-2020, on espère observer une amélioration de la survie entre 2010 et 2020, dans le prolongement de celle déjà constatée entre 2000 et 2010. »
(1) Patients de plus de 55 à 75 ans, ayant fumé plus de 20 paquets-années pendant plus de 15 ans. Certaines sociétés savantes préconisent de commencer le dépistage à 50 ans.
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