Traitements focaux des tumeurs localisées de la prostate

Moins d’effets secondaires mais plus de récidives

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Publié le 26/11/2018
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cancer prostate

cancer prostate
Crédit photo : Phanie

Avec quelque 50 000 nouveaux cas chaque année en France, le cancer de la prostate représente le premier cancer chez l’homme en France. Ce n’est cependant pas celui qui s’accompagne de la mortalité la plus élevée, puisque le nombre de décès annuels qui lui sont imputables est estimé à environ 9 000.

Dans les formes localisées, toute la difficulté est de distinguer les patients ayant une forme agressive, qui va nécessiter un traitement potentiellement curateur, de ceux qui peuvent bénéficier d’une surveillance active. Cette dernière approche, qui fait aujourd’hui pleinement partie de l’éventail de traitements, s’inscrit dans le cadre de la désescalade thérapeutique initiée il y a une quinzaine d’années. Elle s’adresse aux patients ayant une tumeur de bon pronostic, défini par des critères biopsiques, le score de Gleason et le taux de PSA et les constatations de l’IRM. Elle se fonde sur une surveillance régulière des taux de PSA, complété par IRM et biopsies. « Avec le recul actuel, 70 % des patients n’auront pas d’évolution à 10 ans, voire 15 ans selon les équipes canadiennes pionnières dans ce domaine, qui rapportent une survie spécifique de 98 % », note le Pr Hervé Baumert, exerçant au groupe hospitalier Saint-Joseph à Paris.

Les trois traitements locaux de référence sont la prostatectomie radicale, la radiothérapie externe et la curiethérapie, chacun ayant ses indications préférentielles et ses effets secondaires, notamment incontinence urinaire, troubles de la sexualité et lésions radiques, bien que l’évolution des technologies modernes ai permis de réduire ces risques. Mais depuis quelques années, pour réduire davantage les effets secondaires, de nouvelles approches ont été développées.

HIFU et cryothérapie autorisés

En France, deux techniques ablatives mini-invasives sont aujourd’hui autorisées : les ultrasons focalisés de haute intensité ou HIFU (High intensity focused ultrasound) et la cryothérapie.

Avec les appareils de deuxième génération, et la fusion des images d’IRM préopératoire et d’échographie peropératoire, la délivrance des HIFU, qui est réalisée au moyen d’une sonde rectale couplée à un générateur d’ultrasons, est aujourd’hui extrêmement précise. Ses effets secondaires sont moindres qu’avec les techniques de référence. Le risque d’incontinence urinaire est beaucoup plus faible qu’avec la prostatectomie, celui de rétention d’urines est réduit par la résection prostatique préalable, et celui de dysfonction érectile par lésions nerveuses est également moindre et il n’y a pas de risque radique puisqu’il s’agit d’un traitement physique, non irradiant. La seule complication sévère mais heureusement rare et le plus souvent liée à un problème de technique est la fistule recto-urétrale.

Autre méthode de destruction des cellules tumorales mais cette fois par le froid : la cryothérapie, où du gaz (argon) est délivré par des aiguilles introduites par voie périnéale, comme dans les HIFU sous contrôle échographique. Cette technique expose aux mêmes effets secondaires que les HIFU, avec cependant moins d’incontinence urinaire, mais un peu plus de risque de dysfonction érectile car le contrôle de la diffusion de la glace est moins précis que la délivrance des ultrasons focalisés.

Photothérapie et électroporation en cours d’évaluation

La photothérapie dynamique, qui a pour principe la destruction de la zone tumorale en activant une molécule photosensibilisante injectée par voie veineuse par un faisceau lumineux délivré par voie périnéale. Son avantage serait de détruire préférentiellement les cellules tumorales. Une étude de phase III, photothérapie Tookad versus surveillance active, est en cours en Europe et aux Etats-Unis.

L’électroporation irréversible consiste en la délivrance d’un champ électrique à haute intensité, auquel là aussi les cellules tumorales seraient plus sensibles. En, France, cette technique est évaluée dans de rares centres, dans le cadre d’un protocole d’étude.

« Grâce à la précision des biopsies, l’évolution s'oriente vers le recours aux traitements focaux, qui permettraient de limiter clairement les effets secondaires comparativement aux techniques de référence, indique le Pr Baumert. Mais les récidives sont plus fréquentes et il faut bien sélectionner les patients car 20 à 30 % d'entre eux auront besoin d’un nouveau traitement et le recul manque pour dire s’il y a ou non une perte de chance ».

Les critères de sélection ne sont pas encore consensuels et ils vont évoluer avec l’expérience, et notamment la prise en compte de la localisation de la tumeur. « Ces traitements focaux, qui ne sont pas validés à ce jour, nécessitent un consentement éclairé des patients. Ils se situent entre la surveillance active et le traitement radical », conclut le Pr Hervé Baumert. 

D’après un entretien avec le Pr Hervé Baumert, Groupe hospitalier Paris Saint-Joseph

Dr Isabelle Hoppenot

Source : Bilan Spécialiste