Dans les cancers pulmonaires non à petites cellules (CPNPC), interrompre à deux ans l’immunothérapie de première ligne chez les répondeurs ne réduit pas la survie globale, comparativement à ceux chez qui l’immunothérapie est prolongée. C’est ce qu’il ressort d’une analyse rétrospective en vraie vie présentée en avant-première au congrès de l’Asco simultanément à sa publication dans le Jama Oncologie (1). C’est pourquoi, vu les coûts associés, tant monétaires qu’en termes d’effets secondaires potentiels, l’éditorialiste commentant cette analyse souligne que le mieux est parfois l’ennemi du bien (2).
Une étude rétrospective dans une base de CPNPC avancés ou métastatiques
L’analyse porte sur une base de données nationale (Flatiron Health) dans laquelle ont été identifiés 14 406 adultes chez lesquels un CPNPC avancé ou métastatique, diagnostiqué entre 2016 et 2021, avait été traité en première ligne par immunothérapie, seule ou associé à une chimiothérapie.
Parmi eux, une vaste majorité (13 000 patients) a été exclue, ces patients n’ayant pas atteint les deux ans de traitement de première ligne en raison de leur décès ou d’une progression nécessitant la mise en route d’une seconde ligne de traitement.
Sur les 1 000 patients restants, 113 — de 69 ans d’âge médian, à 55 % de sexe féminin et pour 76 % caucasiens — ont été traités durant une durée prédéfinie de deux ans. 593 autres patients — de 69 ans d’âge médian, à 48 % de sexe féminin et pour 70 % caucasiens — ont été traités sans discontinuer, c’est-à-dire sans date butoir d’arrêt.
À noter, ces deux groupes semblent comparables mais on ne peut écarter un biais. On a notamment, parmi ceux traités sur une durée limitée à deux ans, un peu plus de fumeurs (99 vs. 93 %) et deux fois plus de prises en charge dans un centre académique (22 vs. 11 %). Enfin, globalement seulement un cinquième des patients ont vu leur traitement interrompu.
Des survies totales superposables
Une fois passées les deux premières années de traitement initiales, la comparaison des survies dans les deux ans ne met pas en évidence de différence significative entre les deux stratégies de traitement. On est à 79 % de survie totale dans le groupe où l’immunothérapie a été stoppée, vs. 81 % chez ceux traités sans discontinuer. Il n’y a pas de différence significative entre les groupes, que ce soit en analyse univariée (RR = 1,26 [0,8-2,1] ; p = 0,36) ou multivariée utilisant une régression de Cox (RR = 1,33 [0,8-2,2] ; p = 0,29), menée après ajustements sur l’âge, le sexe, l’ethnie, l’état général (EcoGPS ≤1 ou > 1), l’historique tabagique, le type histologique (squameux vs. non squameux), le statut PD-L1 (<1%, [1-49]% ou ≥ 50 %), le type de traitement (immuno-monotherapie vs. immuno/chimiothérapies), la couverture médicale (Medicare vs. assurance privée) et le type de centre de prise en charge (académique vs. non académique).
À noter, parmi les 113 patients dont le traitement a été interrompu, 11 ont progressé. Mais la reprise du traitement dans ce petit groupe a permis d’induire des réponses, avec une survie médiane de huit mois après reprise. « Il semble donc que, chez les patients progressant après arrêt, la reprise de l’immunothérapie donne des réponses efficaces », notent les auteurs.
Une option raisonnable
La durée optimale de l’immunothérapie chez les répondeurs reste discutée. « Dans les études pivots la durée de traitement était de deux ans même si de nombreux patients ont continué après. Le suivi à long terme de ces essais randomisés a toutefois déjà montré que les réponses durables peuvent être maintenues après l’arrêt du traitement. Dans les études Keynote-010 et Keynote-024, respectivement 83 % et 82 % des patients étaient toujours en vie trois ans après avoir terminé leurs deux ans d’immunothérapie, et 48 % et 46 % n’avaient pas progressé. En outre, chez ceux ayant progressé, le re-traitement par pembrolizumab a, dans la grande majorité des cas, permis de stabiliser la maladie ou d’avoir des réponses objectives », rappellent les auteurs. De nombreux cliniciens préfèrent néanmoins continuer le traitement. « Mais, aujourd’hui, cette analyse suggère qu’interrompre à deux ans l’immunothérapie plutôt que continuer indéfiniment est une option raisonnable en pratique clinique », concluent-ils.
(1) Sun L et al. Association between duration of immunotherapy and overall survival in advanced non-small cell lung cancer. JAMA Oncol. 2023 Jun 4;e231891
doi:10.1001/Jamaoncol.2023.1891
(2) West H. Clinical decision making in the real world: the perfect as the enemy of the good.JAMA Oncol. 2023 Jun 4
doi:10.1001/Jamaoncol.2023.1811
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