Précédant d’un mois leur agrément européen intervenu le 28 août, deux ATU de cohorte ont été délivrées cet été par l’ANSM aux premières thérapies cellulaires CAR T-cells dédiées aux cancers hématologiques. En France, les adultes souffrant de lymphome B à grandes cellules (LBGC) en rechute ou réfractaires après au moins deux lignes de traitement ont désormais accès à l’axicabtagene ciloleucel (Yescarta, Gilead) et au tisagenlecleucel (Kymriah, Novartis). Les enfants et jeunes de moins à 25 ans souffrant de leucémie aiguë lymphoblastique B (LAL-B) en rechute ou réfractaires peuvent quant à eux bénéficier du tisagenlecleucel (Kymriah de Novartis).
Les CAR T-cells sont des lymphocytes génétiquement modifiés fabriqués ex vivo pour chaque patient à partir de ses lymphocytes T (LT autologues) via un vecteur viral codant pour un récepteur antigénique chimérique ou CAR (chimeric antigen receptor). Dans les deux thérapies agréées, ces lymphocytes modifiés expriment l’antigène CD19, très présent en surface des lymphocytes B tumoraux. La « liaison » CAR T - lymphocyte B active leur réplication, dirigée par le vecteur viral inséré. C’est pourquoi ces CAR T-cells, aptes à se dupliquer, ont le label « thérapie génique ».
Un nombre limité de patients éligibles
« Les lymphomes B à grandes cellules sont une maladie peu fréquente. On est autour de 4 000 cas par an en France. La grande majorité des patients guérissent. Et l’âge moyen de survenue étant de 70 ans, le nombre de patients en échec éligibles sera limité par la toxicité de ces traitements et les comorbidités des sujets âgés. Probablement guère plus de 200 patients par an. Quant aux leucémies aiguës lymphoblastiques B, bien que ce soient les hémopathies les plus fréquentes de l’enfant, elles sont rares. On est autour de 300 cas par an, et leur taux de guérison approche de 90 %. Au total, un nombre limité de patients devraient donc être éligibles à ces nouvelles thérapies », résume le Dr Anne Vekhoff de l’hôpital Saint-Antoine (Paris).
Une question non négligeable quand on sait que le coût actuel d’un tel traitement est proche de 400 000 euros…
Des toxicités aiguës
L’administration de ces traitements, précédée d’une chimiothérapie lymphodéplétive adaptée, est réalisée en un seule fois, par perfusion d’une ou plusieurs poches. Mais après l’administration, une hospitalisation de dix jours au moins est indispensable, assortie d’un suivi journalier en consultation hospitalière jusqu’au 21e jour. Pourquoi ? Parce que ces traitements sont associés à des toxicités aiguës précoces, en particulier à un syndrome de relargage cytokinique et à une neurotoxicité pouvant survenir très vite et être fatales.
« Ces toxicités aiguës imposent de baliser très strictement la prise en charge du patient et de prévoir, en amont, la possibilité d’un transfert en urgence en service de réanimation. Une étroite collaboration entre hématologues et réanimateurs est indispensable, souligne le Dr Vekhoff. Le syndrome de relargage des cytokines est en effet un syndrome inflammatoire aigu pouvant amener rapidement au décès. Il impose de disposer d’un minimum de quatre doses de tocilizumab plus d’un équipement d’urgence avant même d’administrer des CAR T-cells. Quant aux toxicités neurologiques, elles peuvent amener très vite à un coma, fort heureusement généralement résolutif quand il est pris en charge. »
Des établissements labellisés
Ces médicaments relèvent de la thérapie génique. Ils doivent donc répondre à la réglementation afférente. Du coup, seuls les hôpitaux bénéficiant d’une autorisation d’utilisation, de conservation et de manipulation de cette thérapie génique peuvent être autorisés à les prescrire. Cette autorisation relève du ministère de lʼEnseignement supérieur, de la Recherche et de lʼInnovation. Les autorités (DGS, INCa) travaillent toutefois actuellement à définir les centres qui seront habilités à utiliser les CAR T-cells, en accès sécurisé dans le cadre des ATU de cohorte, puis au-delà. Mais, en attendant, les seuls centres habilités sont ceux ayant participé aux essais cliniques, l’hôpital Saint-Louis pour l’axicabtagene ciloleucel et le tisagenlecleucel, les hôpitaux Robert-Debré (Paris) et Lyon Sud pour le seul tisagenlecleucel (1,2). À noter, les patients pouvant relever de ce traitement pourront être référés aux centres habilités, et la décision d’indication sera obtenue dans le cadre d’une réunion de concertation pluridisciplinaire locale.
D’après un entretien avec le Dr Anne Vekhoff (Saint-Antoine, APHP)
1. Protocole d'utilisation thérapeutique et de recueil d'information de Kumriah (Tisagenlecleucel), suspension de lymphocytes T d’origine humaine génétiquement modifiés avec des récepteurs chimériques pour l’antigène CD19 (CTL019). ANSM juillet 2018
2. Protocole d'utilisation thérapeutique et de recueil d'information de Yescarta (axicabtagene ciloleucel), suspension de lymphocytes T d’origine humaine génétiquement modifiés avec des récepteurs chimériques pour l’antigène CD19 (CTL019). ANSM juillet 2018
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