Depuis 10 ans, le rôle du pathologiste s’est considérablement accru dans le domaine de la pathologie tumorale, en particulier à travers le développement des analyses à visée prédictive, associées à la prescription de thérapies ciblées, complétant les données de diagnostic, classification, stadification et pronostic des tumeurs. Ces analyses ont concerné en premier lieu la détection d’altérations moléculaires oncogéniques, mais leur champ s’élargit à la réparation de l’ADN et à l’immuno-oncologie. Leur intégration à la pratique de routine en pathologie répond à de multiples exigences.
Gérer les échantillons tumoraux
Les laboratoires d’anatomie et cytologie pathologiques (ACP) prennent en charge les échantillons de tissus et de cellules de tous types tumoraux. Aux stades avancés, l’évolution s’est faite vers l’utilisation accrue d’échantillons de petite taille (biopsies sous endoscopie ou guidage radiologique, cytologie) pour la réalisation d’un nombre croissant d’analyses, surtout dans les cancers du poumon. Les laboratoires ont donc dû développer des stratégies d’optimisation de l’utilisation du matériel biologique. Celles-ci doivent être adaptées aux conditions locales, en particulier selon le type de prélèvements réalisés et les outils d’analyse disponibles, requérant une concertation entre les cliniciens, pathologistes et biologistes. En parallèle, les laboratoires d’ACP doivent s’assurer que les conditions dites « pré-analytiques », notamment de fixation en formol des échantillons, soient adéquates pour l’ensemble des analyses pouvant concerner les protéines, l’ADN et/ou les ARN, qui présentent des points de sensibilités différents aux variations observées dans la pratique courante.
Des analyses très variées
Les biomarqueurs utilisés font appel à des modalités d’analyse variées, qui peuvent être réalisées dans les laboratoires d’ACP ou de biologie moléculaire :
- détection d’une expression protéique par immunohistochimie (IHC) [récepteurs hormonaux, HER2, Ki67, PD-L1] : les pathologistes ont fait d’importants efforts d’harmonisation et d’amélioration du contrôle de la qualité de ces biomarqueurs dits « quantitatifs » ;
- séquençage de l’ADN et recherche : des mutations oncogéniques ciblables ou prédictives (KRAS, BRAF, EGFR…) analysées dorénavant par panel avec des techniques de séquençage de nouvelle génération (NGS) devant la multiplication des gènes d’intérêt, ainsi que des mutations des gènes de réparation de l’ADN (surtout BRCA1/2) ou d’instabilité des marqueurs microsatellites de la voie de réparation des mésappariements ;
- analyses de l’ARN tumoral : réalisées désormais couramment sur tissu en paraffine, elles peuvent mettre en évidence des transcrits de fusion oncogéniques ou des signatures d’expression à visée pronostique (cancer du sein).
Pour l’IHC, la réalisation de ces différents tests en pratique clinique est généralement locale. Pour la biologie moléculaire, elle nécessite souvent la mise en place de circuits impliquant des plateformes centralisant les tests.
Des indications en plein essor
La multiplication des indications nécessite un travail étroit entre les cliniciens, pathologistes et biologistes afin de définir, dans chaque type tumoral, les modalités et les circuits utilisés localement pour ces analyses. La stratégie peut s’organiser autour de tests dits « réflexes » effectués dès le diagnostic à la demande du pathologiste dans un cadre déterminé, ou reposer sur une prescription clinique (en particulier pour les analyses de biologie moléculaire). Les différentes modalités d’analyses pour une même altération moléculaire pouvant être multiples (par exemple : IHC, hybridation in situ ou séquençage de l’ARN pour la recherche de fusion ALK dans les cancers du poumon), elles doivent faire l’objet d’une optimisation locale pour assurer l’épargne du matériel utilisé et un délai de réponse adapté à la prise en charge des patients.
Quelles perspectives d’avenir ?
Les évolutions dans le domaine des biomarqueurs prédictifs sont liées au développement technologique et à leur validation clinique dans le cadre des essais thérapeutiques. Sur le plan technologique, l’essor de l’intelligence artificielle conduira à l’utilisation d’outils pour standardiser l’évaluation des biomarqueurs quantitatifs en IHC. En parallèle, les données issues des tests moléculaires seront de plus en plus exhaustives et nécessiteront des capacités d’interprétation plus importantes. La multiplication des cibles thérapeutiques conduit également à développer des stratégies de testing toujours plus complexes et multimodales, devant être évaluées et organisées, dans des études de « vraie vie », prenant en compte les coûts et la quantité de matériel disponible. Enfin, les analyses tissulaires devront s’intégrer aux nouvelles approches réalisées sur échantillon sanguin (ADN et ARN tumoraux circulants), dont les positionnements respectifs sont encore largement à préciser.
Service d’anatomie et cytologie pathologiques, groupe hospitalier Paris Saint-Joseph
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