La cancérologie a pu bénéficier de traitements personnalisés grâce à la caractérisation des cibles tumorales, aux progrès de la génomique et à l’accès au séquençage massif de tout ou partie des génomes tumoraux.
Au service de la personnalisation des traitements
L’avènement des nouvelles techniques de séquençage (NGS, pour next generation sequencing) permet de séquencer un grand nombre de gènes simultanément, la mise en commun de bases de données de séquençage des tumeurs et l’identification des mutations sur l’ADN tumoral circulant, à partir d’un simple prélèvement sanguin appelé biopsie liquide. La plasticité des cellules tumorales peut ainsi être détectée plus simplement, permettant de réévaluer la pertinence du traitement initial et de le modifier spécifiquement. Cette personnalisation progressive du traitement vient également de la possibilité d’évaluer la toxicité potentielle de certaines molécules, et donc d’adapter les doses au profil génétique des patients. Cet aspect de l’évaluation thérapeutique, appelé pharmacogénétique, est maintenant instauré en pratique quotidienne, avec par exemple le génotypage et le dosage sanguin de la DPD avant tout traitement à base de fluoropyrimidines. Ainsi, en 2019, le défi des oncologues, cherchant à éviter aux patients toute perte de chance, est de disposer dès le diagnostic du profil génétique de la tumeur, qui nécessite parfois le séquençage de plusieurs centaines de gènes dans des délais très courts (de dix à vingt jours). L’objectif est d’évaluer rapidement si une thérapie ciblée peut être proposée.
Renforcer la formation et la coopération
Ce changement dans la pratique quotidienne de la cancérologie s’apparente à une course contre la montre, au cours de laquelle les thérapies ciblées doivent se succéder rapidement pour permettre le contrôle de la maladie, en dépit de l’évolution du génome des cellules tumorales, jusqu’à ce qu’un traitement curatif soit disponible. La communauté médicale et la société sont donc confrontées à un changement brutal dans la prise en charge des patients. Outre la nécessité de formation continue permanente des oncologues, la mise en place de comités d’experts spécialisés en biologie moléculaire doit venir compléter ceux d’experts en organes spécifiques (poumon, appareil digestif…). L’accès rapide aux informations génétiques, quel que soit le stade de la maladie, nécessite des évolutions importantes des capacités de prélèvement des cellules tumorales, dont l’acheminement et le mode de conservation doivent être compatibles avec les besoins d’analyse moléculaire. Il est donc nécessaire qu’une coopération étroite s’instaure entre les différents acteurs impliqués (préleveurs, endoscopistes, radiologues, pathologistes, généticiens biologistes…), et qu’une formation adaptée leur soit proposée, afin de garantir la qualité de l’information restituée aux oncologues.
Le financement en question
La prise en charge financière de ces examens, onéreux et indispensables à la prescription médicamenteuse, fait également débat. Si celle des examens de génétique tumorale avait initialement été assurée par l’intermédiaire de l’INCa, le gouvernement a dû s’adapter aux évolutions en créant une enveloppe spécifique, dédiée aux établissements en fonction de leur activité en matière d’actes innovants et hors nomenclature (selon la taille de génome séquencé par analyse). Cette enveloppe est actuellement fermée. Le remboursement des établissements pour leur investissement en actes innovants est en conséquence assez aléatoire, et donc source de conflit entre les directeurs d’établissements et les praticiens. Dans d’autres pays, l’industrie pharmaceutique contribue au coût de ces examens.
L’évolution des thérapies ciblées et l’arrivée de l’immuno-oncologie ajoutent un degré de complexité à la décision thérapeutique, qui se base sur la signature mutationnelle globale des cellules tumorales et le profil mutationnel de certains gènes. Cette signature TMB (tumor mutation burden), corrélée à la pluralité du répertoire antigénique de la tumeur et à la réponse aux inhibiteurs de points de contrôle, fait aussi partie de l’évaluation initiale ou secondaire de certaines tumeurs. Néanmoins, les deux points critiques sont le seuil du taux de mutations à fixer pour obtenir le meilleur gain de chance et la limite de l’interprétation fonctionnelle des données expérimentales. Le coût de cette analyse est parmi les plus élevés, et peut atteindre plus de 2000 euros chez le leader américain Fondation Medicine. Le développement rapide de ces nouveaux traitements et des méthodes d’évaluation met aujourd’hui notre société face à un défi économique, dans lequel l’arbitrage politique doit également intégrer l’espérance et la qualité de vie des malades.
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