LA PRÉVALENCE et l’incidence des TIPMP sont inconnues à ce jour car ces lésions sont le plus souvent asymptomatiques (80 % des cas). La proportion de TIPMP découvertes de manière fortuite est ainsi en forte progression du fait de la meilleure accessibilité de la scannographie et de l’IRM pour l’exploration de symptômes digestifs aspécifiques. Alors que l’atteinte isolée du canal pancréatique principal (CPP) est très rare, l’atteinte isolée des canaux secondaires (CS) est majoritaire et représente plus de 50 % des cas. Elle est probablement sous estimée du fait de nombreuses lésions non diagnostiquées. L’atteinte mixte (CS et CPP) représente moins de 30 % des cas.
Le diagnostic peut actuellement être posé dans près de 100 % des cas par la combinaison de plusieurs techniques d’imagerie associant l’IRM avec séquences de wirsungo-IRM, la scanographie et l’échoendoscopie.
Hétérogénéité et évolution.
Les TIPMP constituent un groupe hétérogène, au plan évolutif et pronostique. Parmi tous les paramètres étudiés, l’atteinte du CPP est un facteur significatif de risque de cancer dans toutes les études. Cinq ans après le premier symptôme en rapport avec une TIPMP du CPP, le risque de dysplasie de haut grade ou de carcinome invasif est supérieur à 60 %. C’est donc indiscutablement une indication de résection préventive de l’ensemble des lésions du CPP. En cas d’atteinte exclusive des CS, le risque de dysplasie de haut grade ou de carcinome invasif à 5 ans varie de 4 à 15 %. Ce risque est encore élevé mais se rapproche de la mortalité péri-opératoire, surtout pour des malades dont l’âge est supérieur à 65 ans avec de nombreuses comorbidités. Ainsi, pour ce groupe particulier, l’attitude thérapeutique s’est beaucoup modifiée depuis les années 2000, pour favoriser la surveillance plutôt que l’exérèse d’emblée. Une conférence d’experts internationaux (critères de Sendaï, Pancreatology 2012) recommande une résection préventive des lésions de TIPMP des CS uniquement en cas de critères prédictifs de malignité : présence de nodules muraux (› 5 mm) +/- une dilatation kystique des CS› 30 mm (ce dernier critère est remis en cause au vu des dernières publications). Une résection préventive peut être discutée également en fonction d’un âge jeune du patient qui supposerait une surveillance astreignante pendant de nombreuses années ou en cas d’évolution rapide des lésions (+ de 5 mm/6 mois). En l’absence de ces critères une surveillance est établie. Elle repose sur la scanographie, la wirsungo-IRM et l’écho endoscopie. Le but est double : apprécier la vitesse d’évolution des lésions et détecter précocement des signes de dégénérescence. Mais les protocoles de surveillance proposés dans la littérature ainsi que leur rythme ne sont pas consensuels et posent un réel problème médicoéconomique.
La cohorte TEAM-P
Il est en fait vraisemblable que le risque de carcinome invasif au cours des TIPMP-CS de 15 % à 5 ans rapporté sur les premières cohortes soit maintenant surévalué pour plusieurs raisons :
1/ les cohortes de patients étaient issues de centres tertiaires : patients plus graves avec des lésions déjà de grande taille ;
2/ le nombre de découverte fortuite de TIPMP-CS de petite taille est exponentiel ;
3/ l’histoire naturelle des TIPMP-CS à long terme reste méconnue car il n’existe pas de grande cohorte de patients (› 500 patients) avec un suivi prospectif au long cours, supérieur à 5 ans.
A contrario, il existe toujours un véritable doute quant à ses modèles de surveillance car la pratique quotidienne révèle régulièrement des cas de cancers pancréatiques survenus pendant l’intervalle des examens de surveillance avec des évolutions explosives de dégénérescence. Dans ces cas particuliers, aucun facteur de risque n’a été mis en évidence dans les études publiées.
C’est ainsi que depuis un an, une cohorte nationale pour le suivi des TIPMP des CS a été créée sous l’égide de la Société nationale française de gastroentérologie : la cohorte TEAM-P. Le but est d’effectuer un suivi prospectif standardisé au long cours (› 5 ans) de patients présentant une TIPMP des canaux secondaires sans atteinte du canal principal et sans critères de dégénérescence. L’objectif principal est de déterminer le risque de dégénérescence à long terme afin d’établir un schéma de surveillance le plus adapté, coût-efficace.
La participation du plus grand nombre de gastroentérologues est déterminante afin de répondre à cette question importante.
Tout gastroentérologue en France peut participer à cette cohorte (libéraux, hospitaliers, universitaires ou non) en incluant l’ensemble de leurs patients présentant une TIPMP des CS. Pour participer, il suffit de s’inscrire en ligne sur le site dédié : www.teamp.org.
À l’inclusion, un questionnaire sur les données cliniques et échoendoscopiques est proposé. Un protocole de surveillance standardisé est recommandé pour le suivi des patients sur 5 ans. Des examens sont à réaliser une fois par an selon la taille des lésions et une relecture centralisée des TDM et des IRM par un groupe de radiologues experts est effectuée. Sur le site, un e-CRF simple et rapide est à remplir une fois par an.
À ce jour, 630 patients ont été inclus depuis un an et 125 centres ont été ouverts. Ce résultat est encourageant mais les efforts doivent être maintenus pour augmenter le nombre de patients surveillés dans cette cohorte nationale.
Responsable de l’étude, service de gastroentérologie-pancréatologie, hôpital Beaujon, Clichy
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