Interruption des programmes de dépistage organisé, déprogrammation dans les hôpitaux, adaptation des protocoles thérapeutiques : les conséquences de la crise sanitaire sur la prise en charge des cancers restent difficiles à évaluer. En interrogeant des spécialistes de 5 pays européens à plusieurs moments clés de la crise sanitaire (avril, juin, octobre et février), la société américaine IQVIA, spécialisée dans les données de santé, a tenté de quantifier l’impact de la pandémie.
En France, 100 spécialistes en oncologie, hématologie, chirurgie et radiothérapie ont participé à l’enquête de février, donnant une estimation des effets de la crise. Si les conséquences sont encore complexes à objectiver en termes de perte de chance pour les patients, on observe déjà qualitativement, « un retard dans la prise en charge des patients pour tous les types de cancer », résume Edwige Benis, directrice du consulting et des études d’IQVIA. Ces retards concernent non seulment les diagnostics, « mais aussi, pour les patients déjà diagnostiqués, des retards dans l’adaptation des protocoles ou dans les chirurgies »
71% constatent des retards de chirurgies, 45% des reports de chimiothérapies
Les praticiens interrogés déclarent d’abord avoir vu moins de patients : d’une moyenne de 66 malades reçus en consultation chaque semaine avant la pandémie, ils sont passés à 37 patients en juin 2020 et 47 en février dernier. Environ la moitié des consultations a pu être réalisée à distance pendant le premier confinement (contre 3 % avant la crise) avant de se fixer autour de 20 % depuis le mois d’octobre.
Les professionnels interrogés ont également observé un impact important de la pandémie sur les soins. Ils étaient ainsi 80% en avril 2020 et 71% en février 2021 à constater des retards de chirurgies. Près de la moitié a également relevé des reports de chimiothérapies (45% en février 2021) et des changements de protocoles en faveur des thérapies orales (52% en février 2021).
Les diagnostics sont en recul pour 59 % des praticiens interrogés. Le dépistage précoce est affecté pour 83 % des praticiens, l’imagerie pour 66 % et les biopsies pour 63 %. Trois types de cancer sont particulièrement touchés : le cancer colorectal, celui du sein et le cancer du poumon.
« Ces données mettent en lumière une crise dans la crise pour les patients atteints de cancers avec une perte de chance pour nombre d'entre eux », juge Jean-Marc Aubert, président d’IQVIA France et ancien directeur de la La direction de la Recherche, des Études, de l'Évaluation et des Statistiques (DREES).
La crise a ainsi directement affecté les patients atteints de cancer, mais aussi les praticiens qui jugent à 42 % que leur capacité à prendre soin des patients a été impactée. Ils sont par ailleurs 32 % à observer une augmentation du temps de consultation dédié à un soutien supplémentaire en raison de problèmes liés au Covid ou à l’anxiété.
La recherche et la formation également affectées
À côté des difficultés de prise en charge, les spécialistes déplorent le ralentissement, voire l’interruption, de la recherche clinique et des essais, avec pour conséquence des problèmes d’accès aux innovations thérapeutiques. La formation continue est aussi affectée, avec 80 % des praticiens déclarant un impact en la matière.
« Ces phénomènes sont constatés dans tous les pays étudiés, malgré des différences dans la gestion de crise (différentes restrictions, communication) », souligne Edwige Benis, invitant à repenser la gestion de crise pour les futures pandémies. Au-delà des priorités imposées par l’urgence, « il ne faut pas oublier les autres pathologies ou négliger les dommages collatéraux », juge-t-elle.
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