DEUXIÈME cancer hématologique le plus fréquent (1 % de tous les cancers), le myélome multiple est un cancer des plasmocytes. Ces lymphocytes B en différenciation terminale produisent les anticorps pour combattre les infections et maladies. La survie moyenne est de 5 ans. Les causes en sont mal comprises.
Une approche pour comprendre la base moléculaire de ce cancer est de séquencer le génome de la tumeur, ou au moins le génome codant les protéines (exome), et de comparer la séquence avec celle de l’ADN normal du même patient. Ceci permet d’identifier les mutations somatiques acquises et, notamment, celles qui gouvernent la cancérogénèse.
Une vaste équipe de chercheurs américains et canadiens a conduit ce type d’étude, en étudiant, non pas un, mais 38 patients atteints de myélome multiple. Ils ont séquencé le génome entier pour 23 d’entre eux et l’exome pour 16 autres. Cette prouesse est aujourd’hui possible grâce aux dernières technologies de séquençage à haut-débit. En employant des outils informatiques qu’ils ont développés, les chercheurs ont pu distinguer les mutations qui surviennent plus souvent que par simple hasard et qui gouvernent probablement le cancer.
10 gènes fréquemment mutés.
Chapman et coll. ont ainsi identifié 10 gènes fréquemment mutés. Quatre étaient impliqués auparavant dans le myélome - KRAS et NRAS (muté dans 50 % des cas), TP53 (8 % des cas), et CCND1 (cycline D1 ; 5 % des cas) - et 6 autres n’avaient jamais été impliqués dans le cancer. Ces gènes mutés révèlent de nouveaux mécanismes oncogéniques inattendus.
Ainsi, des mutations qui interviennent dans le traitement de l’ARN et la traduction des protéines sont identifiées chez près de la moitié des patients. Par exemple, le gène DIS3, qui encode une exonucléase d’ARN, est muté dans 11 % de cas. Le gène FAM46C, qui régule la traduction des protéines, est muté dans 13 % des cas. Ceci plaide pour l’exploration des approches thérapeutiques ciblant ces mécanismes.
Des mutations de gènes intervenant dans la coagulation sanguine ont aussi été identifiées. Des études supplémentaires sont nécessaires pour comprendre comment ces gènes défectueux jouent un rôle dans le cancer et comment ils peuvent guider le traitement. Des mutations de gènes intervenant dans la méthylation des histones ont aussi été identifiées.
Une autre découverte importante est que le signal NF-kappaB joue un rôle bien plus grand que prévu dans le myélome, puisque 14 mutations (ponctuelles ou réarrangement) ont été identifiées dans 11 gènes de la voie NF-kappaB. La protéine NF-kappaB régule la division cellulaire et l’apoptose, des études antérieures avaient montré sa surexpression dans le myélome multiple.
Mutations déjà observées dans d’autres cancers.
Enfin, une autre découverte ayant des répercussions cliniques immédiates est la présence de mutations activatrices oncogéniques de la kinase BRAF chez 4 % des patients atteints de myélome multiple (chez 1 des 38 patients, puis chez 7 des 161 patients supplémentaires qui ont été étudiés). La protéine BRAF intervient dans le signal et la croissance cellulaires, des mutations en ont déjà été observées dans d’autres cancers (mélanome et colon). Des inhibiteurs de BRAF sont en développement clinique et donnent des résultats précoces prometteurs chez les patients ayant un mélanome. Des essais cliniques devront évaluer ces médicaments chez les patients atteints de myélome et porteurs de mutations BRAF.
Individuellement, chacune de ces mutations est assez rare et pourrait ne pas avoir été découverte si les chercheurs n’avaient pas examiné une vaste collection d’échantillons.
« Nous pouvons déjà voir que les mutations sont canalisées dans un nombre limité de voies. Ceci démontre la valeur d’étudier plus d’une tumeur en profondeur », souligne dans un communiqué le Dr Todd Golub (Broad Institute à Cambridge et au Dana-Farber Cancer Institute à Boston) qui a co-dirigé ce travail avec le Dr Gad Getz (Broad Institute à Cambridge). Les chercheurs précisent qu’il faudra étudier « d’autres génomes de myélome pour établir le paysage génomique définitif de la maladie ».
« C’est un grand pas en avant dans la médecine personnalisée pour le traitement du myélome multiple. Mon espoir est que ceci nous permettra de développer des thérapies ciblées plus efficaces » précise le Dr David Siegel, spécialiste du myélome au John Theurer Cancer Center (Hackensack University Medical Center, New Jersey), qui a recruté les patients pour l’étude.
Nature 24 mars 2011, Chapman et coll., p 467.
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