L’année 2023 a été marquée par deux avancées majeures en oncologie thoracique. La première concerne un changement de stratégie périopératoire, avec l’association de la chimiothérapie et de l’immunothérapie dans le cancer du poumon non à petites cellules (CPNPC). En 2022, l’étude Checkmate 816 avait déjà démontré un bénéfice de la chimio-immunothérapie néoadjuvante exclusive, avec une réponse pathologique complète de 24 % vs 2 %, p < 0,001.
En 2023, trois études — Keynote-671, Aegean, et Checkmate 77T — ont confirmé cette approche, cette fois-ci dans une stratégie périopératoire. Leur méthodologie est similaire : ce sont des essais internationaux, randomisés, en double aveugle évaluant une stratégie périopératoire fondée sur une association chimiothérapie et immunothérapie néoadjuvante, suivie d’une chirurgie puis d’une immunothérapie adjuvante. Toutes ont livré des résultats positifs. « Les résultats sont relativement similaires, avec un taux de réponse pathologique complète évalué entre 17 et 25 % et un taux de patients sans événements à deux ans entre 60 et 65 % dans les bras expérimentaux, avec une mention spéciale pour l’essai Keynote 671, le seul à avoir utilisé la survie globale comme critère principal de jugement, avec un risque de décès réduit de 28 %, souligne le Dr Charles Naltet responsable de l’unité d’oncologie thoracique au GH Paris St Joseph. Cela représente un véritable changement de stratégie pour les patients atteints de CPNPC à des stades 1B à 3A voire 3B, avec désormais un traitement néoadjuvant quasi-systémique avant l’opération, ce qui n’était pas le cas auparavant. »
Dans l’immédiat, le défi va être de pouvoir organiser des circuits patients fluides pour obtenir l’intégralité du bilan initial (histologie, bilan d’extension, fonctionnel, moléculaire), sans allonger le délai avant l’initiation des traitements.
À moyen terme, ces résultats très prometteurs serviront de référence à de futurs essais d’escalade et désescalade thérapeutiques, dans l’objectif de personnaliser la prise en charge en fonction de la pathologie du patient et éventuellement de sa réponse au traitement.
Escalade thérapeutique pour les mutations EGFR
Un autre changement de stratégie important concerne les patients atteints de cancers bronchiques mutés EGFR (délétions de l’exon 19 et la mutation ponctuelle L858R), dès la première ligne de traitement. Jusqu’à présent, l’osimertinib était le traitement de première ligne privilégié pour le CPNPC avancé avec mutation EGFR. Il s’agit d’un inhibiteur de l’EGFR-ITK de troisième génération, qui inhibe de manière puissante et sélective les mutations sensibles à l’EGFR-ITK et de résistance à l’EGFR-T790M.
Cependant, deux études ont remis en question cette approche. Les données sur les EGFR-ITK de première génération, associés à la chimiothérapie, suggéraient un effet additif, mais l’association osimertinib et chimiothérapie n’avait pas été évaluée à proprement parler.
Or, l’étude randomisée Flaura2, présentée à la World conference of lung cancer (WCLC) à Singapour en septembre 2023, a relevé une amélioration significative du critère principal, la survie sans progression (SSP) dans le groupe recevant l’association osimertinib/chimiothérapie : la SSP est de 25,5 vs 16,7 mois dans le groupe osimertinib seul (HR = 0,62), soit une amélioration de 8,8 mois.
La seconde étude, Mariposa, a été présentée lors de l’Esmo 2023. En première ligne de traitement des CPNPC avec mutation de l’EGFR, elle a évalué le lazertinib, ITK de troisième génération, en association avec l’amivantamab, un anticorps bispécifique EGFR-MET, par rapport à l’osimertinib. Encore une fois, les résultats sont très positifs en ce qui concerne la SSP, passant de 16,6 à 23,7 mois (HR 0,7 ; p < 0,001). Après un suivi médian de 22 mois, le risque de progression ou de décès était réduit de 30 %.
« Il est indéniable que les gains en termes de SSP sont significatifs dans ces études, fait remarquer le Dr Naltet, avec une amélioration de plus de 8 mois pour les deux stratégies par rapport au traitement standard. Avec le bémol suivant : l’augmentation de la toxicité associée à ces associations thérapeutiques. En effet, la toxicité de grade 3 ou plus (principalement hématologiques) atteignait 27 % avec l’osimertinib seul dans Flaura 2, contre 64 % lorsqu’il est associé à la chimiothérapie, et même 75 % dans le cas de l’association lazertinib et amivantamab. » Il est donc probable que l’on se dirige vers une sélection des patients, notamment en fonction de la présence de métastases cérébrales et de la charge tumorale pour proposer cette escalade thérapeutique.
À noter qu’en deuxième ligne, les résultats de l’étude Mariposa 2, avec l’association amivantamab/lazertinib et la chimiothérapie, après osimertinib en première ligne, sont également encourageants. « Une stratégie à réserver à la seconde ligne étant donné sa toxicité élevée », note le spécialiste.
Entretien avec le Dr Charles Naltet, GH Paris St Joseph
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