DE NOTRE CORRESPONDANTE
LA THÉRAPIE ANTIRÉTROVIRALE hautement active (HAART), bien que très efficace pour améliorer la survie des patients infectés par le VIH, n’offrira probablement jamais une guérison et requiert un traitement quotidien à vie, associé à des effets secondaires et à un risque de développement de résistance.
D’où l’intérêt de la thérapie génique des cellules souches. Un intérêt ravivé par le cas, à Berlin, d’un patient séropositif atteint d’une leucémie avancée qui, après avoir arrêté son traitement HAART et reçu une greffe de moelle d’un donneur génétiquement résistant au VIH (mutation homozygote du CCR5), semble avoir été « guéri » de l’infection par le VIH (on ne peut parler pour l’instant que de rémission prolongée). La difficulté de trouver un tel donneur compatible rend cette stratégie anecdotique, mais ce cas suggère une autre approche potentiellement thérapeutique : modifier génétiquement ex vivo les propres CSH du patient afin de rendre les lignées sanguines descendantes résistantes au VIH.
DiGiusto et coll. publient les résultats d’un premier essai clinique d’une trithérapie génique, qui utilise des ARN antiviraux pour rendre les cellules résistantes au VIH via 3 mécanismes différents.
Cet essai clinique est également l’un des premiers qui évalue un vecteur lentiviral (basé sur le VIH) pour délivrer la thérapie génique chez l’homme. Les vecteurs lentiviraux offrent l’avantage de s’intégrer dans des cellules qui ne se divisent pas, et ne s’insèrent pas préférentiellement près des promoteurs des gènes.
L’essai a été mené chez 4 patients infectés par le VIH et atteints d’un lymphome non hodgkinien lié au sida, récidivant ou à haut risque. Le traitement pour ce lymphome comprenait une thérapie myéloablative suivie d’une greffe autologue des CSH prélevées avant la myéloablation par aphérèse. L’équipe a précédemment démontré que leur procédure de greffe est associée à une très faible mortalité et une survie à long terme.
Vecteur lentiviral exprimant 3 ARNs.
Dans l’essai, avant la transplantation, DiGiusto et coll. ont modifié génétiquement une petite fraction de la population des CSH en introduisant un vecteur lentiviral exprimant 3 ARNs :
- un ARN ribozyme ciblant l’ARNm du CCR5 (co-récepteur pour le VIH) qui inhibe ainsi l’entrée virale ;
- un shARN tat/rev (ou « short hairpin ARN »), qui est clivé dans la cellule en un petit ARN interférant (siRNA) inhibant la production des protéines virales tat et rev importantes pour l’infection ;
- un leurre TAR ; cet ARN leurre fixe et séquestre la protéine Tat du VIH, et inhibe ainsi la transcription virale.
Les patients ont reçu une greffe de CSH modifiées suivie d’une greffe de CSH non modifiées (inclusion de ces dernières pour des raisons éthiques). On constate 11 jours après, une prise de greffe des cellules transfectées chez les 4 patients, et aucune toxicité à court terme liée à l’infusion des CSH modifiées.
Après un suivi moyen de 18 mois (6 à 24 mois), tous les patients restent en rémission du lymphome et l’étude démontre la survie à long terme des cellules transfectées. Une faible expression des ARNs par les vecteurs (dont les siARN et ribozyme) est détectée dans les cellules du sang périphérique et de la MO des patients pendant jusqu’à 24 mois. L’étude démontre donc l’innocuité et la faisabilité de l’approche.
« L’expression prolongée du siARN et du ribozyme pendant jusqu’à 24 mois après l’infusion marque un premier jalon dans le développement d’une thérapie génique des cellules souches pour l’infection VIH », soulignent les chercheurs.
Le terrain préparé.
« Nous avons prouvé que l’on peut modifier génétiquement les propres cellules souches des patients et obtenir une prise de greffe et une expression des gènes anti-VIH, ce qui prépare le terrain pour de futurs traitements contenant davantage de cellules souches modifiées », explique au « Quotidien » le Pr Rossi.
« Cette approche pourrait être utilisée en théorie pour tous les patients infectés par le VIH, mais nous changerions alors la procédure pour créer plus d’espace dans la moelle osseuse pour la prise de greffe. »
Selon le Pr Rossi, la thérapie génique devrait remplacer dans le futur la thérapie antirétrovirale hautement active (HAART), mais dans un premier temps elle pourrait simplement être utilisée en association avec le traitement HAART afin de réduire les doses du régime HAART et les toxicités associées.
« Dans l’année qui vient, nous administrerons un plus grand nombre de cellules souches génétiquement modifiées à 1 ou 2 patients (essai de phase 1), afin d’améliorer le nombre de cellules sanguines génétiquement modifiées ; nous interromprons peut-être le traitement HAART pour voir si cela favorise l’expansion du nombre des cellules génétiquement modifiées », laisse entrevoir le Pr Rossi.
Science Translational Medicine, DiGiusto et coll., 16 juin 2010.
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