On s'en doutait mais aujourd'hui une étude très sérieuse menée sur la Cohorte Nutri-Net Santé le confirme. L'exposition alimentaire à certains pesticides majore nettement le risque de cancer du sein chez des femmes ménopausées en surpoids. Quand de son côté une alimentation pauvre en pesticides de synthèse réduit ce risque quel que soit l'indice de masse corporelle (IMC). Telles sont les conclusions de cette analyse menée par des chercheurs attachés à l'INRAE, l'INSERM, le CNAM et l'Université Sorbonne Paris Nord, publiée ces jours-ci dans l'International Journal of Epidemiology. (1, 2) Ce résultat, vient s'ajouter à un faisceau de preuves mettant en cause certains pesticides/perturbateurs endocriniens dans la survenue de cancers hormonodépendants. Pour mémoire, cette même équipe avait précédemment mis en évidence en 2018 qu'une alimentation privilégiant les aliments issus de l'agriculture biologique était associée à un moindre risque de cancer du sein dans une étude menée sur plus de 68 000 personnes, dont 78% de femmes (44 ans d’âge moyen) suivies durant sept ans (3).
Plus de 13 000 femmes ménopausées suivies 4 ans
L'analyse porte sur une cohorte prospective de plus de 13 000 femmes de 60 ans d'âge moyen (± 7,4 ans). La plupart sont des retraitées vivant en milieu urbain, ayant un certain niveau d'études. Parmi elles, près de la moitié n'ont jamais fumé, 42% sont d'ex-fumeuses et 9% fument toujours. Leur IMC moyen est de 24 kg/m². Un tiers d'entre elles sont en surpoids (IMC > 25 kg/m²). La plupart ont un niveau d'activité physique élevé (38%) à modéré (36%). A peine plus d'une sur dix (11%) est sous traitement hormonal de la ménopause (THM). La moitié avaient un antécédent de cancer dans leur famille. Enfin, au cours du suivi, 169 cas de cancer du sein sont survenus.
Quatre profils d'exposition aux pesticides
Toutes ces femmes ont été soumises à l'inclusion à un vaste questionnaire alimentaire destiné à évaluer la part d'aliments issus de l'agriculture biologique et conventionnelle consommés. En utilisant une base de données de contamination en pesticides des divers aliments en fonction de leur mode de production, l'exposition à 25 substances actives entrant dans la composition des pesticides autorisés en France, y compris ceux utilisés en agriculture biologique, a été estimée (Base issue du laboratoire de référence européen Chemisches und Veterinäruntersuchungsamt in Stuttgart [CVUA], Allemagne). Via une méthode de factorisation en matrices non négatives (NMF), quatre profils d'exposition aux pesticides ont été établis. Le lien entre ces profils et le risque de survenue de cancers du sein durant les 4 ans de suivi a ensuite été exploré après ajustement sur le tabagisme, la consommation d'alcool, le niveau d'éducation, l'IMC, la taille, les antécédents familiaux, le nombre d'enfants et la qualité globale de l'alimentation.
- Le profil 1 (NMF 1) correspond à une exposition élevée en chlorpyrifos, imazalil, malathion et thiabendazole.
- Le profil 2 (NMF2) retrouve une exposition élevée en azoxystrobine, boscalid, cyprodinil, difénoconazole, fenhexamide, iprodione, tebuconazole et lambda-cyhalothrin
- Le profil 3 (NMF 3) est caractérisé par des taux bas en pesticides synthétiques et élevés en pesticides organique spinosad.
- Le profil 4 (NMF 4) se distingue par une exposition élevée en acetamipride, carbendazime, chlorpyrifos, cypermethrine et dimethoate/omethoate.
Une forte exposition à risque en cas de surpoids
L'analyse après ajustement du lien potentiel entre le profil d'exposition et la survenue d'un cancer du sein au cours du suivi a mis en évidence deux points majeurs. Tout d’abord, une réduction relative du risque de cancer du sein après la ménopause a été constaté chez les femmes ayant un profil NMF3, c'est à dire chez celles les moins exposées, alimentairement, aux pesticides de synthèse. Chez ces femmes le risque de cancer du sein est quasiment réduit de moitié (RR=0,53, 0,34-0,93), quel que soit leur IMC.
A contrario, le profil NMF 1, associé à une forte exposition à des pesticides de synthèse (en l'occurrence chlorpyrifos, imazalil, malathion et thiabendazole), majore fortement le risque de cancer du sein après la ménopause. Ce surrisque est néanmoins non significatif pour les femmes ne présentant pas de surpoids. Mais dès que l'IMC dépasse 25kg/m², lors de surpoids ou obésité, le risque est plus que quadruplé (RR=4,13; 1,5-11,4). « Un impact probablement lié au potentiel carcinogène de ces pesticides de synthèse, dont les organo-chlorés, et au caractère potentiellement perturbateur endocrinien des fongicides type imazalil qui inhibe la biosynthèse des œstrogènes », commentent les auteurs.
A noter, l'analyse des profils NMF2 et MNF4 ne permettent pas de conclure sur un lien potentiel entre exposition et risque de cancer du sein.
En somme, réduire son exposition alimentaire aux pesticides de synthèse minore le risque de cancer du sein après la ménopause. Quand a contrario, consommer beaucoup d’aliments riches en certains pesticides de synthèse majore fortement ce risque, du moins en cas de surpoids.
(1) Rebouillat P et al. Prospective association between dietary pesticide exposure profiles and postmenopausal breast-cancer risk in the NutriNet-Sante cohort. International Journal of Epidemiology, 2021:1–15.
(2) Communiqué de presse INRAE, le cnam, Université Paris Sorbonne et INSERM. 15 mars 2021.
(3) Baudry J et al. Association of frequency organic food consumption with cancer risk: findings from the Nutri-Net Sante prospective cohort study. JAMA Intern Med 2018;178:1597-1606
CCAM technique : des trous dans la raquette des revalorisations
Dr Patrick Gasser (Avenir Spé) : « Mon but n’est pas de m’opposer à mes collègues médecins généralistes »
Congrès de la SNFMI 2024 : la médecine interne à la loupe
La nouvelle convention médicale publiée au Journal officiel, le G à 30 euros le 22 décembre 2024