Ostéosarcome, sarcome d’Ewing, chondrosarcome... Tous ces cancers osseux primitifs se développent principalement chez l’enfant et l’adolescent avec un pic d’incidence vers l’âge de 15 ans et une survie à 5 ans entre 50 et 70 % dans les formes localisées, voire 20 à 30 % en cas de métastases. En 30 ans, aucun traitement n’est réellement parvenu à modifier ces chances de survie. Une des caractéristiques de cette pathologie est la dérégulation des ostéoclastes et des ostéoblastes qu’elle occasionne. Dans un contexte cancéreux, on assiste en effet à la formation d’os de manière totalement anarchique, tandis qu’un cercle vicieux s’installe entre différenciation des ostéoclastes et ostéoblastes et multiplication des cellules cancéreuses. Dans un article paru dans « Nature Communications » une équipe nantaise montre qu’il est possible de casser ce cercle vicieux et de rallonger la durée de vie dans le modèle animal, en prenant pour cible thérapeutique le régulateur de transcription BRD4.
Une synergie mortelle
Le premier auteur de l’étude, François Lamoureux, de l’unité Inserm 957, « Physiopathologie de la résorption osseuse et thérapie des tumeurs osseuses primitives », détaille le fonctionnement du cercle vicieux en question : « les ostéoclastes produisent des facteurs de croissance TGF ß et IGF 1 qui vont stimuler la prolifération des cellules tumorales. En retour, ces dernières vont produire d’autres facteurs de croissance, RANKL, BMP et VEGF qui favorisent à leur tour la différenciation des ostéoclastes et des ostéoblastes ». La tumeur va donc dégrader l’os dans un premier temps, puis stimuler la formation d’os de manière anarchique dans un deuxième.
En recherchant un moyen de stopper ce cercle vicieux, les chercheurs se sont intéressés à BRD4, un régulateur de la transcription qui interagit avec la chromatine et facilite l’action des facteurs de transcriptions. BRD4 interagit avec les portions du génome qui sont très acétylées, et son action est particulièrement importante dans les cellules tumorales. « Nous avions comparé la quantité des protéines de la famille BRD entre les cellules normales et les cellules tumorales issues de 15 biopsies de patients », nous explique François Lamoureux, « seule la BRD4 était présente en plus grande quantité dans les cellules tumorales ».
En complément de la chimiothérapie
Pour inhiber la BRD4, l’équipe de François Lamoureux a utilisé le JQ1, un triazolothienodiazepine à l’origine développé pour être un contraceptif masculin. Ils sont ainsi parvenus à maintenir en vie pendant 40 jours un groupe de huit souris qui autrement seraient toutes mortes en 32 jours ou moins. « Nous avons dû les tuer au bout de 40 jours pour procéder à des analyses, mais il est possible qu’elles seraient restées en vie beaucoup plus longtemps », complète François Lamoureux. Avec des cancers aussi agressifs que les tumeurs primitives de l’os, un tel traitement ne pourrait, en théorie que retarder la progression de la maladie. L’idée serait alors de s’en servir en combinaison de la chimiothérapie qui pourrait se permettre d’être moins agressive, tout en étant plus efficace car moins gênées par des excroissances osseuses entourant la tumeur. Dans d’autres cancers comme celui du sein ou de la prostate, où l’on teste également des inhibiteurs de BRD4, une régression de la tumeur a même été observée et les premiers essais cliniques sont en cours de lancement.
François Lamoureux et all, Selective inhibition of BET bromodomain epigenetic signalling interferes with the bone-associated tumor vicious cycle, Nature Communications, publication en ligne du 19 mars 2014.
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