Il pourrait être bientôt possible de faire un suivi de la réponse à un traitement anti-cancéreux, grâce à une nouvelle méthode développée conjointement par des équipes du CNRS, de l'INSERM, et du Centre d'immunologie de Marseille-Luminy, en association avec leurs collègues de l'Université de Californie à San Francisco.
Dans un article publié dans « Cell Metabolism », les chercheurs expliquent comment cette méthode, baptisée SCENITH, permet d'établir le profil énergétique de lymphocytes T et ainsi de déterminer leur caractère anti ou protumoral. « À l'image de voitures utilisant des carburants différents, les lymphocytes anti ou protumoraux ont des profils métaboliques et des ressources énergétiques distincts », explique au « Quotidien » Rafael Argüello, chercheur CNRS du Centre d’immunologie de Marseille-Luminy et premier auteur de l'étude.
Fiabiliser l'immunothérapie
Première application clinique envisagée par Rafael Argüello : l'évaluation des CAR-T cells, ces lymphocytes T autologues administrés après avoir été modifiés génétiquement afin d'exprimer un récepteur antigénique chimérique ciblant les cellules cancéreuses, par exemple dans les leucémies. SCENITH permettrait de connaître à l'avance l'état d'activation des CAR-T cells et leur profil métabolique avant et après injection, puis de suivre leur niveau d'activation chez le patient.
En pratique, une biopsie est pratiquée et l'échantillon prélevé est réparti en plusieurs sous-échantillons. Chacun d'entre eux est ensuite exposé à un inhibiteur d'une voix de métabolique particulière. Les niveaux de production de protéines sont ensuite mesurés par cytométrie de flux. Les types cellulaires sont quant à eux déterminés grâce aux protéines de surface ciblées par le traitement, il n'est donc pas nécessaire de purifier l'échantillon pour extraire les lymphocytes.
Dans leur travail, les auteurs ont utilisé deux inhibiteurs : l'oligomycine (un antibiotique inhibant la chaîne respiratoire mitochondriale) et la 2-deoxy-D-glucose (un inhibiteur de la glycolyse) et l'harringtonine (un inhibiteur de la traduction). « Une fois la source d'énergie coupée, on assiste à une chute très rapide des protéines synthétisées lors du métabolisme énergétique, poursuit Rafael Argüello. Il est donc possible de connaître rapidement la source d'énergie dont la cellule est dépendante. »
Profil des cellules cancéreuses
« L'autre grande application consiste à regarder le profil métabolique des cellules cancéreuses pour déterminer si elles sont ou non résistantes à différents régimes de chimiothérapie, ajoute Rafael Argüello. L'idée est de faire plusieurs cycles de traitement ex vivo jusqu'à ce que l'on en trouve un personnalisé qui fonctionne le mieux. » Les chercheurs du CNRS et de l'INSERM ont entamé plusieurs collaborations avec l'institut Paoli-Calmettes de Marseille et des cliniciens de Toulouse et de Paris pour l'expérimenter dans la prise en charge de la leucémie myéloïde aiguë. L'équipe de Jean-Emmanuel Sarry devrait bientôt publier les premières données cliniques.
« Ce développement est le résultat d'un grand travail d'équipe international, qui comprend des biologistes, des oncologues et des bioinformaticiens. Pour comprendre la maladie et générer des biomarqueurs qui profiteront aux patients, nous devons établir davantage de collaborations avec les équipes de recherche clinique », explique Rafael Argüello. Le développement de ces outils nécessite des ressources financières. « Même si nous avons le soutien du cancéropôle PACA, de l'INSERM transfert et de l'Agence nationale de recherche, nous avons besoin d'un financement sur le long terme pour faire de la recherche translationnelle ».
Une réponse en 40 minutes
SCENITH peut également être utilisé à des fins de recherche, en démultipliant les inhibiteurs qui agissent à différents niveaux dans les cascades de production d'énergie cellulaire. La technique permet de décoder de façon fine le profil immunitaire de populations de cellules immunitaires. Une fois ces connaissances acquises, il n'y aura qu'un pas à franchir pour réussir à moduler, localement ou non, la réponse immunitaire en modifiant l’une ou l’autre des sources d'énergie.
Comparée aux autres méthodes développées pour établir les profils métaboliques cellulaires (qui s'appuient sur les mêmes inhibiteurs de voies métaboliques), SCENITH combine plusieurs avantages : elle ne nécessite pas de purification cellulaire, elle a une résolution de l'ordre de la cellule et peut être faite ex vivo. « Entre la biopsie et l'obtention des réponses métaboliques, il ne s'écoule que 40 minutes », explique Rafael Argüello.
R Argüello et al, Cell Metabolism, decembre 2020, vol 32, issue 6, p 1063-1075
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