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Une protéine d’agressivité du cancer de la prostate

Publié le 04/03/2011
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Crédit photo : PHANIE

LES THÉRAPIES ciblées dirigées contre des anomalies moléculaires spécifiques des cellules cancéreuses ont considérablement amélioré le traitement de certains cancers. Un exemple est l’herceptine (un anticorps monoclonal, le trastuzumab) qui cible le récepteur Her2, amplifié dans 20% des cancers du sein.

A ce jour, les thérapies approuvées pour le cancer de la prostate ciblent toutes le signal androgène dans la maladie métastatique. Toutefois, 32 000 hommes américains meurent chaque année du cancer prostatique métastasé, d’ou le besoin de développer d’autres thérapies ciblées.

A cette fin, il est essentiel avant tout d’identifier les anomalies génétiques dominantes qui favorisent le développement du cancer.

Apres avoir identifié des réarrangements chromosomiques de la famille des facteurs de transcription ETS dans 50% des cancers prostatiques, Tomlins et coll. (Université du Michigan, Ann Arbor) ont distingué récemment un sous-groupe de cancers prostatiques (10%) qui est caractérisé par la surexpression de SPINK1 (serine peptidase inhibitor, Kazal type 1), l’absence de réarrangements ETS (SPINK1+ /ETS -) et d’evolution agressive.

Exprimé sur les cellules acineuses pancréatiques.

Le peptide SPINK1, normalement , où il protégerait le pancréas de l’autodigestion, s’est montré récemment surexprimé dans plusieurs cancers et procure un biomarqueur de mauvais pronostic.

L’équipe dirigée par Arul Chinnaiyan (Université du Michigan, Ann Arbor) a montré egalement que la surexpression de SPINK peut être détectée dans les urines des patients atteints de cancer prostatique SPINK1+, ce qui ouvre la voie a un test urinaire pouvant être facilement réalisé en routine.

Dans une étude publiée dans «Science Translational Medicine», l’équipe montre que la protéine SPINK1, sécrétée à la surface des cellules, procure une cible thérapeutique prometteuse.

Ateeq et coll. ont constaté que la protéine recombinante SPINK1, ajoutée au milieu de culture, stimule la prolifération des cellules prostatiques aussi bien bénignes (lignée RWPE) que cancéreuses (22RV1). SPINK1 favorise en effet l’invasion cellulaire et l’intravasation. Inversement, l’inactivation génétique de SPINK1 (par shARN) dans les cellules prostatiques cancéreuses (22RV1) inhibe la prolifération et l’invasion cellulaire in vitro, et la formation de tumeurs chez la souris. De même, un anticorps monoclonal contre SPINK1 peut atténuer in vitro la prolifération et l’invasion des cellules prostatiques cancéreuses (22RV1) SPINK1-positives. Les chercheurs ont découvert que le peptide SPINK1 provoque ses effets oncogenes en partie à travers le récepteur pour le facteur de croissance épidermique (EGFR).

Atténue la croissance tumorale.

Chez des souris xénogreffées avec des cellules prostatiques cancéreuses (22RV1), un traitement par un anticorps contre SPINK1 ou un anticorps contre EGFR (cetuximab) atténue la croissance tumorale de 60% et 40%, respectivement, et de 75% en association.

De précédentes études avaient évalué le cetuximab dans le cancer de la prostate métastasé, mais les résultats avaient été décevants, avec un bénéfice chez 8% des patients seulement. A la lumière de cette nouvelle étude, ces mauvais résultats pourraient etre expliqués par le fait que le traitement n’est approprié que pour les patients dont la tumeur est SPINK1-positive.

«Environ 10% des cancers de la prostate sont SPINK1-positifs et des stratégies bloquant le signal SPINK1 pourraient être utiles dans ce sous-groupe de cancers», souligne dans un communiqué le Dr Bushra Ateeq.

Cette étude devrait encourager le développement d’anticorps humanisés anti-SPINK1, ainsi que de nouvelles etudes cliniques évaluant l’inhibition de l’EGFR (cetuximab) dans les cancers prostatiques SPINK1-positifs.

Science Translational Medicine, 2 mars 2011.

Dr VÉRONIQUE NGUYEN

Source : Le Quotidien du Médecin: 1003