Majoritairement d’excellent pronostic, les cancers thyroïdiens différenciés affichent une survie à 10 ans de 90-95 %. Les formes à très faible risque de rechute (tumeur de moins de 10 mm, sans adénopathie) sont traitées par la seule chirurgie. Mais, dans les formes à risque intermédiaire – les plus nombreuses puisqu’elles représentent 50 % des cancers thyroïdiens différenciés – la prise en charge optimale reste discutée.
En 2012, deux études randomisées multicentriques, une française, Estimabl, et une anglaise, HiLo, publiées toutes deux dans le NEJM (1, 2) ont montré que dans les cancers différenciés de risque faible à intermédiaire, l’ablation par iode radioactif à 30 millicuries faisait jeu égal avec celle à 100 millicuries en termes d’efficacité à 1 an. Le taux d’ablation effective à 1 an, critère primaire d’efficacité, ne diffère pas : il est autour de 90 %.
Ces deux études, menées sur la même méthode avec quatre bras, ont comparé dans le même temps si l’ablation était aussi efficace, après un sevrage classique en thyroxine d’un mois, qu’avec une simple injection, les jours précédents, de TSH recombinante. Et, là aussi, le taux de d’ablation effective à 1 an ne diffère pas entre les groupes.
« Certaines études avaient déjà suggéré qu’une activité de 30 millicuries pourrait être aussi efficace que celle de 100 millicuries, traditionnellement utilisée. Ces deux vastes études randomisées menées sur 750 patients français et 450 anglais en ont fait la preuve. On peut donc réduire l’activité d’iode radioactif administré à 30 millicuries et utiliser la TSH recombinante en alternative au sevrage. C’est désormais le référentiel de traitement des tumeurs à risque intermédiaire (‹ 4 cm sans adénopathie ou 1-2 cm avec envahissement ganglionnaire modéré) », résume la Dr Sophie Leboulleux (IGR, Villejuif). Un suivi prospectif des patients d’Estimabl est néanmoins poursuivi, afin de s’assurer que le taux de récidive reste semblable dans les différents bras.
Éviter l’irradiation ?
Suite à ces résultats, une étude Estimabl 2 a été lancée. Aujourd’hui en cours, elle devrait inclure 750 patients recrutés dans 34 centres en France. Elle va comparer, dans les tumeurs à faible risque, de taille inférieure à 2 cm et sans adénopathie, le traitement ablatif par iode 131 à la dose de 30 millicuries après administration de TSH, à une abstention et une simple surveillance. Le critère primaire retenu est l’absence de nécessité de réopérer ou de retraitement par iode à 3 ans. En effet, dans ce groupe de patients, le bénéfice du traitement radioactif n’a jamais été prouvé, en termes de mortalité et de récidives. Cette étude, si elle fait la preuve que la suppression de l’ablation radioactive ne modifie pas le pronostic, pourraitpermettre d’éviter un traitement inutile dans près d’un cancer thyroïdien sur trois.
D’après un entretien avec la Dr Sophie Leboulleux, Institut Gustave Roussy, Villejuif.
(1) M Schlumberger et al. Strategies of Radioiodine Ablation in Patients with Low-Risk Thyroid Cancer. NEJM 2012;366:1663-73
(2) U Mallick et al. Ablation with Low-Dose Radioiodine and Thyrotropin Alfa in Thyroid Cancer. NEJM 2012;366:1674-85
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