Après de multiples études aux designs et résultats variés, cette vaste étude rigoureuse publiée dans le Lancet (1) et sponsorisée par le ministère de la Santé britannique apporte enfin un résultat formel. "Cet essai est très important. Il devrait singulièrement modifier nos pratiques et les recommandations. Pour rappel jusqu'à présent l'automesure était certes préconisée. Mais elle n'est formellement recommandée qu'à la phase diagnostique, n'ayant jusqu'ici pas fait ses preuves en termes de suivi (HAS 2010) ", commente le Pr Xavier Girerd (CHU Pitié Salpétrière, Paris).
Une vaste étude sponsorisée par les autorités de santé
Cette étude randomisée en groupes parallèles a été réalisée en collaboration avec 142 médecins généralistes. Ils ont inclus au sein de leur patientèle plus de 1100 hypertendus (PA supérieures à 140/90 mm Hg) âgés de plus de 35 ans. Ceux-ci ont été randomisés en trois bras : automesure standard, automesure avec télémedecine et suivi traditionnel basé sur la mesure des PA au cabinet. Le critère primaire est le niveau tensionnel observé à 12 mois.
Résultats, à 1 an, le niveau tensionnel a baissé dans les trois bras de l'étude. Mais la réduction est significativement plus importante même après ajustements dans chacun des deux groupes automesure comparativement au groupe traditionnel. Les pressions artérielles systoliques sont respectivement réduites de 3,5 mm Hg (sans télémonitoring) et 4,7 mm Hg (avec télémonitoring) comparativement au bras contrôle. Et la comparaison entre les bras "avec" et "sans" télémonitoring n'est pas significative.
Un résultat sans faille aux conséquences importantes en pratique clinique
C'est l'étude la plus aboutie jamais menée sur la question. Et elle est très démonstrative. C'est une bonne nouvelle pour tous les hypertensiologues, tout particulièrement français, en croisade depuis de nombreuses années pour l'automesure. Ce résultat ouvre en outre la porte à une délégation de tâches en termes d'évaluation du niveau tensionnel. Il devrait venir modifier rapidement nos pratiques et être intégré aux futures recommandations.
Depuis 20 ans la place de l'automesure est en discussion. En 2004, l'HAS préconisait de ne pas débuter le traitement avant une évaluation par automesure. En 2013 la société française d'hypertension (SFHTA), puis l'HAS en 2016, sont allées plus loin, passant d'une préconisation à une recommandation formelle. On devrait demain aller encore plus loin. L'automesure a très manifestement sa place dans le suivi et l'adaptation de traitement. Elle y fait même mieux à 1 an de suivi que la mesure traditionnelle au cabinet. Reste à définir à quel rythme ces automesures doivent être pratiquées. Un rythme mensuel est peut-être un peu ambitieux pour l'ensemble des hypertendus. En revanche, un rythme trimestriel paraît tout à fait raisonnable. Sous réserve toutefois de bien recommander aux patients de contacter leur médecin sans attendre, dès que les chiffres tensionnels ne sont pas bons.
(1) R JC Magnus et al. Efficacy of self-monitored blood pressure, with or without telemonitoring, for titration of antihypertensive medication (TASMINH4): an unmasked randomised controlled trial. Lancet 2018; 391:949–59.
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