« DONNER/RECEVOIR » : des mots simples, une réalité connue de tous. Mais lorsqu’il s’agit d’une question de vie et de mort, le ressenti des donneurs et des receveurs se révèle beaucoup plus subtil, ambigu et tortueux, à la limite de l’indicible. Pour le cerner, la caméra de Michèle et Bernard Dal Molin, qui ont déjà réalisé une version courte du film intitulé « Six personnages en quête d’éthique », couronnée du grand prix du festival des entretiens de Bichat en 2009 et du premier prix du FILMED en 2010, se pose sur 4 familles qui dépeignent, par petites touches, leurs questionnements face au don et à la greffe. Le sociologue Christian Baudelot, qui a lui-même donné un rein à sa femme, la philosophe Alice Casagrande et la sculptrice Virginia Alfonso éclairent de leur art ces témoignages, leur conférant un écho universel.
De la difficulté d’un choix.
Une femme souffre d’une maladie rénale et a déjà connu trois années de dialyse et une première greffe. Ses deux sœurs se portent volontaires pour lui donner un rein. Peut-elle choisir ? « Je ne pouvais même pas demander à mes sœurs d’appeler le médecin ». Les laisse-t-elle vraiment libre de leur décision ? « Cela réveille les histoires du passé », les rivalités entre enfants, atténuées au fil des ans, jamais enterrées, répond-elle.
Parfois, les personnes se tournent vers le corps médical pour trancher. « J’ai reçu dans mon bureau cinq enfants qui souhaitaient tous donner un rein à leur mère. Ils me confiaient la responsabilité de choisir », témoigne le Dr François Bayle, néphrologue au CHU de Grenoble. Lourde tâche, lorsque les analyses médicales ne se révèlent pas discriminantes...
Deuil et doute du donner.
Donner peut sembler l’acte le plus simple. Maintenir en vie une personne qu’on aime, quoi de plus beau et généreux, dit en substance le sociologue Christian Baudelot, qui a offert un rein à sa femme. Pourtant, la douleur est là. « Les donneurs souffrent de l’accueil par le corps médical du sacrifice qu’ils font. Il n’y a pas de statut de donneur. Nous sommes des patients comme les autres », explique Christian Baudelot.
L’incertitude n’est pas moins grande pour eux que pour les receveurs. « Mon rein sera-t-il accepté ? Être collé serait une humiliation » confie le sociologue dans son langage d’enseignant.
Il faut aussi accepter de renoncer à une partie de soi qui devient chaire d’autrui. C’est ainsi que la donneuse se surprend à reprocher à sa sœur de fumer ou de déprimer. « Il fallait passer par une période de deuil. À chaque fois que je la voyais j’y pensais. J’avais l’impression qu’il me manquait quelque chose » explique-t-elle.
Mais le don peut aussi être une façon de garder en vie un disparu. « Aurélien le voulait alors on a fait ça pour lui » témoigne la mère d’un adolescent décédé à la suite d’un accident de scooter. Sans pouvoir cacher sa souffrance : « Dans le couloir le docteur nous a dit : c’est irréversible, il faut penser au don. C’est dur, dans le couloir » poursuit-elle.
Humilité de recevoir.
Recevoir une greffe porte son lot de culpabilité. « On s’en veut de penser qu’on attend que quelqu’un décède pour être sauvé », reconnaît un ancien cariste, greffé d’un foie. Mais c’est aussi l’apprentissage de l’humilité et de la dépendance à l’autre. « Est-ce que j’allais être redevable à ma sœur ? Je ne savais pas si j’allais être dans la reconnaissance permanente » s’interroge la greffée du rein. « Ma mère n’acceptait pas que moi sa fille, je lui donne mon rein. Ce n’est pas l’ordre naturel » témoigne une autre donneuse.
À travers ce kaléidoscope de ressentis qui ne manquent pas de susciter nombre d’interrogations éthiques, le spectateur sort plein d’espoir. Aucun acteur n’exprime la moindre once de regret.
*Au cinéma à partir du 16 octobre, des débats sont organisés à l’issue des séances. Rens : www.destinydistribution.com
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