L’étude ouverte multicentrique randomisée, MASTER DAPT, a recruté dans 140 sites situés dans 30 pays plus de 4 500 sujets à haut risque hémorragique entre février 2017 et décembre 2019 (1-3). Tous avaient subi une angioplastie associée à la pose d'un stent biodégradable à élution de sirolimus de la marque Terumo, l'étude ayant reçu le soutien financier du laboratoire. Très utilisé aujourd'hui en France, ce stent compte à lui seul pour 20 à 25 % de tous les stents posés. En effet, les stents actifs à polymères biodégradables représentent aujourd'hui plus de 50 % des stents posés en France et 90 % d’entre eux sont à élution de sirolimus.
Un syndrome coronarien aigu chez près de moitié des patients
Au total, 4 600 patients ont été randomisés en deux bras : trois à six mois (groupe standard) versus 30 jours de thérapie antiagrégante adaptée au sujet (bithérapie ou monothérapie lors d'anticoagulant associé).
Les patients, âgés de 76 ans en moyenne, étaient pour 70 % des hommes. Au total, 80 % d’entre eux ont une hypertension, 68 % une hyperlipidémie, 34 % un diabète, 19 % une insuffisance rénale chronique, 19 % une insuffisance cardiaque, 11 % une maladie artérielle périphérique et 12 % un antécédent d'accident vasculaire cérébral (AVC). Leur IMC moyen est autour de 28 kg/m². De plus, 11 % des sujets sont fumeurs et 40 % des anciens fumeurs. Plus d'un tiers est sous traitement anticoagulant, essentiellement lié à une fibrillation atriale. Tous ont au moins un critère de risque majeur de saignement, selon le score PRECISE-DAPT à l'inclusion, et leur score moyen est de 25-27 (calculé sans inclure le facteur de risque lié aux globules blancs).
Près d'une fois sur deux (48 %), le geste a été réalisé à chaud dans un contexte de syndrome coronaire aigu (SCA), quand seuls 20 % avaient un antécédent d'infarctus du myocarde (IDM). Un seul stent a été posé dans près de 70 % des cas, deux stents dans 20 % des cas, plus de deux dans 10 % des cas.
Après randomisation (un mois après la pose de stent), un peu plus de la moitié (53 %) des patients étaient sous clopidogrel en monothérapie. De plus, ce dernier faisait partie du traitement chez 78 % des personnes sous bithérapie.
Même taux de thrombose et plus de saignements
Les critères de jugement portent sur la non-infériorité du bénéfice clinique net (décès, IDM, AVC, et saignements majeurs), les évènements ischémiques majeurs (décès, IDM, AVC) et les évènements hémorragiques (hémorragies majeures et non majeures mais cliniquement parlantes).
Dans cette étude en analyse per protocole sur 4 400 patients, les résultats montrent dans le bras 30 jours par rapport au groupe standard (au moins trois mois de thérapie antiagrégante) :
- Un bénéfice net de 7,5 % versus 7,7 % (-0,2 ; -1,8-1,3 ; p < 0,001 en non-infériorité)
- 6,1 % d’évènements ischémiques majeurs versus 5,9 % (0,1 ; 1,3-1,5 ; p = 0,001 en non-infériorité)
- 6,5 % d’évènements hémorragiques versus 9,4 % (-2,8 ; 4,4-1,2 ; p < 0,001 en supériorité).
« En termes d'évènements thrombotiques majeurs, les 30 jours de traitement antiagrégant font aussi bien que trois à six mois, résume la Dr Morice. Par contre, trois mois ou plus de thérapie antiagrégante provoquent significativement plus de saignements que 30 jours ».
Pas plus d'un mois de traitement antiagrégant intensif
Une analyse en sous-groupe préspécifiée a été réalisée chez les sujets non traités par anticoagulants oraux (AOC). À un an de suivi, elle montre que ni les évènements ischémiques (décès, IDM, AVC), ni le risque net (décès, IDM, AVC, et saignements majeurs) ne diffèrent entre les bras 30 jours et trois mois. De plus, on observe significativement moins de saignements cliniquement parlants dans ce sous-groupe (non traité par AOC) que chez les sujets sous AOC.
« Cette analyse en sous-groupe ajoute une pierre de plus à l'idée qu'une bithérapie antiagrégante de plus d'un mois (30 jours) n'apporte aucun bénéfice chez les patients à haut risque de saignement, qu'ils soient ou pas sous AOC, commente la Dr Morice. Il reste d'ailleurs encore à explorer et vérifier l'intérêt, non documenté dans le contexte des stents biodégradables, de prolonger au-delà de six mois après stenting le traitement antiagrégant chez les sujets par ailleurs sous traitement anticoagulant ».
D'après un entretien avec le Dr Marie Claude Morice (présidente du CERC, Massy)
(1) Valgimigli M et al. Dual Antiplatelet Therapy after PCI in Patients at High Bleeding Risk. NEJM 2021;385:1643-55.
(2) Ohman EM.The Evolving Post-PCI Antithrombotic Therapies. NEJM 2021; 385:1712-14
(3) Smits PC et al. Abbreviated Antiplatelet Therapy in Patients at High Bleeding Risk With or Without Oral Anticoagulant Therapy After Coronary Stenting An Open-Label, Randomized, Controlled Trial. Circulation 2021;144:1196-11.
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