Un tiens vaut mieux que deux tu l’auras ? Pas si sûr si l’on se fie au « New England Journal of Medicine » (NEJM) qui vient de publier mi-novembre non pas une, mais bien deux études qui démontrent une efficacité supérieure de la cryoablation par rapport aux antiarythmiques en première intention dans la fibrillation auriculaire (FA).
La première (1), réalisée dans une vingtaine de centres médicaux américains, a observé plus de 200 patients qui présentaient une FA paroxystique récurrente native de tout traitement au long cours. Une moitié a bénéficié d’une cryoablation, l’autre d’un traitement par antiarythmiques, et tous étaient suivis pendant un an avec réalisation à chaque visite d’un électrocardiogramme (ECG) ou d’un Holter-ECG. À un an post-traitement, un peu plus de la moitié des patients du groupe médicament a présenté une récidive de FA contre seulement un quart dans le groupe cryoablation.
Des résultats significatifs que l’on retrouve dans une deuxième étude (2), canadienne cette fois-ci, dont la méthodologie était peu ou prou similaire à la première. Les seules différences notables concernent l’effectif de patients, plus grand — 303 au total — et leur suivi. Ces derniers ont bénéficié de la pose d’un moniteur cardiaque implantable dans les 24 heures après le début du traitement, permettant ainsi la détection d’épisodes d'arythmie asymptomatique. Un an après l’instauration du traitement, pas loin de 70 % des patients du groupe antiarythmique ont fait une récidive de FA contre seulement un peu plus de 40 % dans le groupe cryoablation.
Des avantages sur la radiofréquence
Des conclusions qui sont loin de surprendre le Pr Jean-Luc Pasquié, coordonnateur du département de cardiologie au CHU Arnaud de Villeneuve à Montpellier. « Avec plus de 300 ablations de FA par an, nous étions déjà convaincus de la supériorité de la cryoablation sur les antiarythmiques dans cette pathologie, confie le cardiologue. Ces deux publications, présentées lors du dernier congrès de l’American Heart Association, viennent confirmer nos attentes concernant cette récente technique de plus en plus diffusée sur le territoire français ».
Pourtant cette méthode ne faisait pas l'unanimité au sein de la communauté cardiologique, lors de son apparition il y a moins de dix ans. Jugée trop « simpliste » par rapport à l’ablation par radiofréquence, la technique de référence, la cryoablation s’avère aussi efficace, voire « plus accessible et plus rapide d’exécution », selon le Pr Pasquié.
Si ces deux techniques d’ablation ont pour objectif commun de détruire le tissu cardiaque malade responsable du trouble du rythme, elles diffèrent sur de nombreux points. L’ablation par radiofréquence, utilisée en routine depuis les années 2000, utilise la chaleur pour brûler point par point la base des veines pulmonaires sous le contrôle d’un système de cartographie et d’imagerie 3D. « C’est une technique qui nécessite une expertise pointue par un rythmologue chevronné, explique le cardiologue. De plus, les brûlures par radiofréquence étant douloureuses, elle nécessite une anesthésie générale chez la majorité des patients ». A contrario, la cryoablation est beaucoup moins pourvoyeuse de douleur et plus simple à réaliser. Sous anesthésie locale, l’opérateur insère par voie percutanée un dispositif avec un ballon à l’extrémité qui va venir brûler, grâce à du froid généré par de l’azote liquide, la base des veines pulmonaires. Une accessibilité qui permet ainsi à un plus grand nombre de praticiens de l’exécuter.
Des recommandations récentes sur l'ablation
« Néanmoins, rappelle le cardiologue, l’ablation était jusqu’à récemment une option secondaire dans la stratégie thérapeutique de la FA, et ce quelle que soit la technique choisie ». En effet, cette intervention n’avait sa place qu’après échec des antiarythmiques, et ce n’est que depuis les nouvelles recommandations de la Société européenne de cardiologie (ESC), sorties en septembre dernier, que l’ablation peut-être proposée en première intention au même titre que le traitement médicamenteux dans tous les types de FA.
« C’est sur ce point que ces deux études du NEJM sont particulièrement intéressantes, souligne le Pr Pasquié. D’une part, elles confirment que l’ablation mérite bien sa place en première ligne, d’autre part elles révèlent que la cryoablation en particulier fait mieux que les antiarythmiques, que ce soit sur la récidive de la FA ou sur la qualité de vie post-traitement, avec très peu de complications liées à l’intervention ». Un constat d'autant plus pertinent qu'une FA prise en charge précocement voit son risque de récidive et d’évolution vers une forme chronique chuter drastiquement.
En définitive, la cryoablation s'avère être une intervention avec de nombreux atouts : accessible, avec un faible risque opératoire et permettant un meilleur contrôle de la FA. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si la recherche dans le domaine tente de la concurrencer avec de nouvelles technologies calquées sur son fonctionnement, en utilisant le laser ou encore l’électroporation. Et même si d’autres études à plus grande échelle doivent être réalisées pour asseoir définitivement sa supériorité, la cryoablation a assurément de beaux jours devant elle.
(1) O Wazni et al. NEJM, 2020. DOI: 10.1056/NEJMoa2029554
(2) J Andrade et al. NEJM, 2020. DOI: 10.1056/NEJMoa2029980
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