La place de l’automesure tensionnelle

Publié le 28/02/2013
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LES DONNÉES épidémiologiques permettent d’estimer à environ 3 millions le nombre de diabétiques en France, dont 60 % sont hypertendus, tandis que l’on compte environ 12 millions d’hypertendus dans la population générale, dont 35 % traités par au moins un antihypertenseur et la moitié non contrôlés. Le recours à l’automesure tensionnelle (AMT) a été bien précisé par l’enquête FLASH 2012, menée chez 4 500 personnes âgées de plus de 35 ans : 21 % ont un appareil d’AMT, taux qui s’élève à 41 % chez les hypertendus traités. La majorité des sujets n’y a recours qu’une fois de temps en temps, 11 % utilisent leur appareil plusieurs fois par semaine et 4 % tous les jours.

Les données font défaut chez les diabétiques, mais une enquête réalisée sur trois mois dans un CHU sur un nombre limité de patients (n = 65) montre que 55 % d’entre eux utilisent l’AMT ou envisagent de le faire.

« Les recommandations en matière d’AMT sont nombreuses », a rappelé le Dr Béatrice Duly-Bouhanick. Selon la Société française d’hypertension artérielle, l’AMT est indiquée avant le début du traitement médicamenteux pour s’assurer de la réalité de l’HTA ainsi que lors du suivi, lorsque les valeurs tensionnelles restent trop élevées en consultation. Les recommandations européennes ont des indications beaucoup plus larges, notamment en cas d’effet blouse blanche, d’HTA masquée, ou pour améliorer l’adhésion au traitement.

Le NICE anglais met pour sa part en première ligne la mesure ambulatoire de la pression artérielle, alors que les recommandations étasuniennes préconisent une attitude plus nuancée.

Qu’en est-il à la lumière des essais cliniques ? Une méta-analyse récente (1) dans l’HTA essentielle montre que l’AMT ne suffit pas pour confirmer l’HTA, en raison d’un risque de surdiagnostic et qu’une MAPA est donc indispensable. Chez les diabétiques, les études suggèrent que l’AMT surestimerait moins les valeurs tensionnelles que la mesure au cabinet médical. L’effet blouse blanche serait moins fréquent chez les diabétiques que dans la population générale et il serait associé à un meilleur pronostic, alors qu’il expose à un surrisque chez les non diabétiques. La prévalence de l’HTA masquée serait, à l’inverse, plus fréquente chez les diabétiques (47 % versus 10 %). Enfin, l’absence de contrôle de la pression artérielle en AMT le matin semble associée à la micro- et macroangiopathie, selon une étude menée chez 400 diabétiques (2).

La vraie question reste l’impact de l’AMT sur le contrôle tensionnel. Cet effet est controversé dans l’HTA essentielle : diminution de seulement 2 mmHg de la pression artérielle systolique, réduction des traitements antihypertenseurs à contrôle tensionnel égal, mais aussi effet délétère, avec une augmentation des arrêts thérapeutiques des patients ayant recours à l’AMT, du fait d’une tendance à l’autogestion des traitements. Chez les diabétiques, un travail chez 54 patients conclut à l’absence d’intérêt de l’AMT en termes de contrôle tensionnel.

Quant au coût, selon une étude britannique, il serait ni plus ni moins élevé avec l’AMT qu’avec la mesure au cabinet médical (alors que le MAPA permet une réduction des coûts). Des données récentes soulignent l’intérêt de l’association AMT et télémédecine, avec une amélioration du contrôle tensionnel, mais avec un coût plus élevé. Les valeurs retenues en AMT sont classiquement de 135/85 mmHg, un seuil de 145/85 mmHg étant préconisé après 80 ans par le NICE. « Il faut insister sur la nécessité d’utiliser un appareil validé (la dernière mise à jour sur le site de l’ANSM date d’août 2 012) et un brassard plus large en cas de surpoids (périmètre brachial› 32 cm) », conclut le Dr Duly-Bouhanick.

Session « Hypertension artérielle du diabétique : quoi de neuf ? »

(1) Hodgkinson J et al. BMJ 2011;342:d3621.

(2) Kamoi K et al. Clinical and experimental hypertension 2012(32)3:184-192.


Source : Le Quotidien du Médecin: 9222