L’étude coordonnée par le Pr Christophe Tribouilloy (Amiens) qui vient de paraître dans la revue « Circulation » montre que la fréquence de fuites du cœur gauche, aortique et/ou mitrale de grade ≥ 1 chez les diabétiques exposés au benfluorex est multipliée par 3 par rapport à ceux non exposés. La méthodologie choisie pour cet essai attendu a permis d’éviter la surévaluation liée aux cas les plus sévères vus à l’hôpital ou par les cardiologues, qui constituaient une des principales critiques des études antérieures.
Dans ce qui constitue dorénavant l’« affaire Mediator », beaucoup de données chiffrées ont été publiées et souvent remises en cause. L’étude « Tribouilloy » était destinée à contourner les biais méthodologiques des études antérieures accusées pour les unes d’extrapolations non fondées, pour les autres, de ne considérer que les cas sévères hospitalisés sélectionnant les cas les plus graves.
Pour corriger ces aléas, cette étude cas-témoins a inclus les patients de façon prospective. « Tous les patients ont été adressés pour échographie par les médecins généralistes, précise le Pr Tribouilloy, parce que nous souhaitions avoir des patients consécutifs, et écarter ceux déjà vus par des cardiologues qui auraient pu demander un deuxième avis sur une suspicion de valvulopathie. Nous avons également exclu ceux qui présentaient un souffle ou une valvulopathie, ceux qui prenaient des traitements entraînant des valvulopathies médicamenteuses, et ceux qui avaient une histoire connue de valvulopathie. »
Les patients inclus devaient avoir été exposés au moins 3 mois au benfluorex. Dix centres de référence ont participé à l’essai. Les échographies étaient lues deux fois en aveugle.
« Ce n’est pas une étude d’imputabilité, tient à préciser le Pr Tribouilloy. Nous avons pris deux groupes de diabétiques, l’un exposé au benfluorex, et l’autre non, et nous avons regardé la fréquence des fuites aortiques et/ou mitrales de grade ≥ 1 sans se poser la question de l’imputabilité. C’est une approche purement épidémiologique. »
Sept cent cinquante-deux patients diabétiques ont été inclus dans l’étude, 376 exposés au benfluorex et 376 contrôles ; 293 patients ont été conservés dans chaque groupe pour être complètement appariés et homogènes sur les autres caractéristiques tels que tabac, dyslipidémie, hypertension, âge, sexe et antécédent de coronaropathie. La posologie moyenne de benfluorex est de 352 mg (médiane 450 mg ; 150 à 900 mg) et la durée moyenne d’exposition 61,2 mois (médiane : 36,5 mois, 3 à 360 mois).
Dans l’échantillon apparié, la fréquence des fuites aortique et/ou mitrale de grade ≥ 1 était de 31,7 % pour les patients diabétiques exposés au benfluorex et de 12,9 % chez les patients contrôles, soit une différence statistique significative (OR 3,55 ; 2,03-6,21, p < 0,001) ; de 19,8 % versus 4,7 % pour les fuites aortiques (OR : 5,9) et de 19,4 % versus 9,6 % (OR : pour les mitrales (OR 2,38 ; 1,27-4,45). Les doubles fuites, aortique et mitrale, sont également plus fréquentes (8 % en cas d’exposition au benfluorex contre 2 %).
« Dans cette étude, nous n’avons pas observé de régurgitations aortiques ou mitrales sévères selon la classification en vigueur et cela vraisemblablement en raison de la fréquence basse du phénomène, de 1/1 000 patients-années, mais aussi parce que les cas hospitaliers ou nécessitant d’emblée un deuxième avis avaient été écartés. »
Et Regulate ?
Ces résultats sont à rapprocher de ceux de l’étude Regulate qui n’étaient pas disponibles au moment où Circulation acceptait cette dernière contribution. A ceci près : Regulate avait été designée pour comparer l’effet de deux antidiabétiques oraux ; elle comportait une échographie de base contrairement à celle-ci ; la durée d’exposition, de un an, était imposée par le protocole. Enfin, les promoteurs ne sont pas les mêmes. Pour autant, les odds ratio retrouvés dans ces deux essais sont voisins.
L’histoire naturelle des régurgitations sous benfluorex reste mystérieuse, explique les auteurs ; elles peuvent se stabiliser, régresser ou s’aggraver. La réponse sera donnée par l’étude REFLEX pour laquelle les inclusions viennent de se terminer et dont les résultats sont attendus dans 3 ans.
Increased Risk of Left Herat valve regurgitaion Associated with Benfluorex Use in Patients with Diabetes mellitus A multicenter Study Circulation 9 novembre 2012
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