Si l’insuffisance cardiaque concerne plus d’un million de patients en France (10 % des plus de 75 ans) et représente un nombre important d’hospitalisations chaque année (165 000 en 2014), les données de parcours de soins des patients n’avaient, jusqu’à présent, jamais été analysées. C’est désormais chose faite avec la publication, le 4 septembre dernier, des résultats de l’étude IC-PS2, une étude épidémiologique (1) sur le parcours de soins vu par les patients, menée par le Groupe insuffisance cardiaque et cardiomyopathie (GICC) de la Société française de cardiologie (SFC).
Et le constat est pour le moins préoccupant : non seulement le délai entre l’apparition des symptômes et l’hospitalisation est souvent trop long (45 % des patients présentaient des symptômes depuis plusieurs semaines), mais 56 % des patients ne savaient pas qu’ils avaient été hospitalisés pour des symptômes liés à l’insuffisance cardiaque et seulement 12 % d’entre eux avaient bénéficié d’une réadaptation cardiaque.
Des résultats qui ne surprennent pas le Pr Albert Hagège, cardiologue à l’hôpital européen Georges Pompidou de l’AP-HP à Paris : « l’insuffisance cardiaque est une pathologie très difficile à expliquer, d’une part parce qu’il ne s’agit pas d’une maladie en tant que telle puisque c’est l’aboutissement de toutes les maladies cardiaques évoluées, mais également parce que les symptômes essoufflement à l’effort, prise de poids rapide et inexpliquée, œdème des jambes, fatigue (EPOF ) sont peu spécifiques ». Or, « lorsque les patients hospitalisés ont été traités, on manque souvent de temps pour leur expliquer leur pathologie », ajoute le cardiologue.
Quant aux médecins généralistes, « ils sont peu formés à la détection précoce », regrette-t-il, tout en rappelant qu’il « faudrait particulièrement dépister certains patients à haut risque, notamment les coronariens, les diabétiques, ceux souffrant depuis longtemps d’hypertension artérielle» et « qu’une simple échographie du cœur permet souvent le diagnostic ».
Pour le GICC comme pour le cardiologue, il est donc capital de sensibiliser à la fois le grand public, les patients et les professionnels de santé à cette pathologie. Et ce d’autant plus « qu’un patient hospitalisé pour insuffisance cardiaque a plus de 25 % de risque d’être réhospitalisé dans l’année qui suit et 10 % de décéder chaque année, indique le Pr Hagège. Plus on intervient tôt, mieux on prévient la progression de la maladie ».
Vers une filière de soins dédiée
Outre cette sensibilisation au dépistage, le GICC et la SFC proposent la création d’une filière de soins « pour améliorer la prise en charge dès l’apparition des symptômes, le fléchage des patients entre la ville et l’hôpital et la prise en charge éducative et thérapeutique au décours de l’hospitalisation ». Selon le Pr Hagège, « cette filière de soins est en train de se mettre en place avec des réseaux ville-hôpital, des systèmes d’éducation thérapeutique et de transfert de compétences auprès des infirmiers dans certaines structures ». Des infirmiers qui peuvent, désormais, prescrire ou optimiser les traitements médicaux efficaces souvent sous-dosés en ville, conseiller un régime pauvre en sel et en alcool et le maintien de l’activité physique.
« Il faudrait également mettre en place des alternatives à l’hospitalisation dans les grands centres pour les patients qui ne nécessitent qu’un traitement diurétique intraveineux sur quelques jours », ajoute le spécialiste. Et pouvoir adresser les patients dans des centres de réadaptation à l’effort ; « mais il n’y a pas assez de place », déplore-t-il. Enfin, « il faudrait développer la télésurveillance, sur le modèle de ce qui se fait pour le contrôle des pacemakers et des défibrillateurs », ajoute le cardiologue, qui rappelle que « grâce à la délégation de tâches, les infirmières peuvent désormais s’en occuper ».
(1) Étude non interventionnelle, observationnelle, transversale, non comparative et multicentrique, menée du 1 er avril 2018 au 30 septembre 2018 auprès de 793 patients hospitalisés l’année précédente pour insuffisance cardiaque.
CCAM technique : des trous dans la raquette des revalorisations
Dr Patrick Gasser (Avenir Spé) : « Mon but n’est pas de m’opposer à mes collègues médecins généralistes »
Congrès de la SNFMI 2024 : la médecine interne à la loupe
La nouvelle convention médicale publiée au Journal officiel, le G à 30 euros le 22 décembre 2024