L’athérosclérose a longtemps été considérée comme un phénomène passif : développement de la plaque d’athérome conduisant à l’obstruction mécanique de l’artère, soit de manière progressive (à l’origine typiquement de l’angor stable), soit lors d’une déstabilisation de la maladie souvent secondaire à une rupture de plaque (responsable de syndrome coronarien). L’inflammation est un acteur identifié depuis longtemps à tous les niveaux de la physiopathologie : l’athérosclérose est au moins en partie une maladie inflammatoire.
Tenter de contrôler l’inflammation
L’inflammation participerait également au remodelage pathologique (fibrose, apoptose…), menant à l’insuffisance cardiaque et au remodelage vasculaire. Les patients porteurs de maladie inflammatoire chronique, en particulier la polyarthrite rhumatoïde, présentent d’ailleurs un surrisque bien établi, qui conditionne une prise en charge cardiovasculaire plus agressive.
De plus, malgré un traitement optimal, le risque de récurrences ischémiques, ou « risque résiduel », au cours du suivi reste important. L’inflammation constitue une cible particulièrement intéressante pour mieux contrôler ce risque résiduel.
Diverses tentatives précédentes pour contrôler l’inflammation ont échoué : molécules anti-inflammatoires comme les corticostéroïdes, les AINS et les anti-TNF. Certains biomarqueurs, tels que les interleukines 1β et 6 ou la CRP ultrasensible, seraient associés à un moins bon pronostic, en population générale, comme chez les patients coronariens.
Parmi les anti-inflammatoires les plus anciens, la colchicine est prometteuse, avec de nombreuses preuves fondamentales, et des essais cliniques en cours. En particulier, l’étude internationale multicentrique COLCOT (NCT01551094) inclura 4 500 patients recevant un placebo ou la colchicine à dose réduite (0,5 mg par jour) pendant 2 ans à la suite d’un syndrome coronarien aigu. La colchicine exercerait des effets pléiotropiques, passant entre autres par l’inhibition de l’interleukine 1β (IL-1β).
Étude CANTOS : la piste de l’IL-1β
L’IL-1β apparaît en effet comme une cible idéale sur le plan fondamental. Il existe des biothérapies ciblant cette voie. Le premier grand essai prospectif, multicentrique, international, randomisé et en double aveugle, vient d’être publié : il s’agit de l’étude CANTOS (1) évaluant le canakinumab, anticorps monoclonal actuellement disponible principalement aux États-Unis dans les syndromes auto-inflammatoires rares. Les 10 061 patients coronariens inclus avaient un antécédent d’infarctus, étaient sous hypolipémiant et présentaient un taux de CRP ultrasensible (CRPus) au-dessus de la normale (> 2 mg/l). De 61 ans d’âge moyen, ils comprenaient 26 % de femmes et 90 % d’entre eux étaient sous statines. Avec un suivi médian de 3,7 ans, ils recevaient après randomisation le placebo ou différentes doses de l’anticorps en sous-cutanée. L’incidence du critère de jugement principal (associant décès de cause cardio-vasculaire, infarctus non fatal et AVC non fatal) était de 3,86 évènements pour 100 patients-année dans le groupe canakinumab 150 mg en comparaison à 4,5 évènements pour 100 patients-année dans le groupe placebo (HR 0,85 [IC95 %(0,74-0,98)] ; p = 0,021) indépendamment du risque lié au LDL-cholestérol. Plus récemment, l'analyse secondaire des données de CANTOS a montré que les patients répondeurs présentant la plus importante réduction de la CRPus après la première dose, sont ceux qui tirent le plus de bénéfice du traitement chronique, avec une baisse du taux d'événements de 25 % et de la mortalité totale ou cardiovasculaire de plus de 30 % (2). De façon inattendue, des effets très prometteurs sur les cancers respiratoires ont été rapportés. En revanche, sur le plan de la tolérance, le canakinumab était associé à une augmentation de l’incidence des infections mortelles ou de sepsis (0,31 % dans le groupe canakinumab 150 mg versus 0,18 % dans le groupe placebo, p = 0,02).
L’étude CANTOS valide donc l’hypothèse inflammatoire dans la maladie coronaire. Malgré le résultat très positif sur le critère primaire, plusieurs limites doivent être soulignées : l’absence de bénéfice sur la mortalité toute cause, un suivi relativement cours et le prix rédhibitoire du médicament (200 000 dollars par an !) actuellement dans une indication rare.
*Université de Montpellier, département de cardiologie, CHU Caremeau (Nîmes)
**PhyMedExp, université de Montpellier, INSERM, CNRS, Cardiology Department, CHU de Montpellier
(1) Ridker PM, Everett BM, Thuren T, et al. Antiinflammatory Therapy with Canakinumab for Atherosclerotic Disease. N Engl J Med. 2017;21;377(12):1119–31
(2) Ridker PM, MacFadyen JG, Everett BM, et al. Relationship of C-reactive protein reduction to cardiovascular event reduction following treatment with canakinumab: a secondary analysis from the CANTOS randomised controlled trial. Lancet. 2018;27;391(10118):319–28
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