Après les avoir utilisés en cancérologie, les scientifiques explorent une nouvelle approche pour les CAR-T cells, ces lymphocytes T autologues génétiquement modifiés afin qu'ils détruisent les cellules de support responsables de la formation de fibrose cardiaque. Dans une correspondance publiée dans la revue « Nature », le Dr Haig Aghajanian et ses collègues de l'école de médecine Perelman de l'université de Pennsylvanie décrivent la première preuve de concept, chez la souris, de CAR-T cells ciblant des fibroblastes spécifiquement présents lors de cardiomyopathie hypertrophique et dilatée, deux pathologies qui se traduisent par le développement d'une insuffisance cardiaque.
Les chercheurs ont modifié génétiquement des lymphocytes T CD8 cytotoxiques pour qu'ils reconnaissent la protéine FAP (fibroblast activated protein) présente exclusivement à la surface des fibroblastes activés lors du développement de lésions fibrotiques. Cette protéine a été identifiée grâce à une analyse d'expression de gènes réalisée chez 238 échantillons de myocarde humains. Les CAR-T cells ont été injectées à 2 reprises à des souris chez qui une insuffisance cardiaque a été induite par une perfusion en continu d’angiotensine 2.
Quatre semaines après le début de l'expérience, les animaux ont été autopsiés. Les auteurs constatent une destruction des fibroblastes exprimant FAP, qui se traduit par une réduction de la fibrose. Les autres populations de fibroblastes étaient épargnées, y compris des fibroblastes présents dans d'autres organes comme la peau, dont les capacités de cicatrisation restent intactes.
Une approche dans l'air du temps
« C’est un très beau papier ! », réagit Jean-Sébastien Silvestre, de l'équipe « Thérapies régénératives pour les pathologies cardiaques et vasculaires » du centre de recherche cardio-vasculaire de Paris. « De nombreux résultats expérimentaux et cliniques qui montrent en ce moment une relation très forte entre réaction inflammatoire et mécanismes de remodelage tissulaire, de survie cellulaire, et la contractilité des cardiomyocytes par exemple », explique-t-il.
Si l'application chez l'homme est encore lointaine, Jean-Sébastien Silvestre pose déjà la question de la temporalité d'un tel traitement. « On a besoin des fibroblastes pour réparer le myocarde dans la période post-infarctus, précise-t-il. Ce n'est donc pas lors de la phase aiguë que l'on pourra les détruire, mais sans doute pendant la phase de transition vers l’insuffisance cardiaque. On ne sait pas non plus si cette thérapie est susceptible de fonctionner une fois la fibrose bien établie. »
Chirurgien cardiaque spécialisé dans la thérapie cellulaire de l'insuffisance cardiaque, le Pr Philippe Ménasché trouve « originale et séduisante » l'idée d'utiliser des CAR-T cells dans le traitement de la fibrose cardiaque. Il s'interroge toutefois sur sa faisabilité et son prix. « Une injection unique de CAR-T cells coûte 320 000 à 350 000 euros, rappelle-t-il. Et cela nécessite une procédure lourde de plusieurs semaines. » La question du choix du patient sera également centrale : « Avec les CAR-T cells, on a l'habitude de traiter des malades relativement jeunes, traités pour un cancer hématologique. Or la fonctionnalité des lymphocytes T pourrait être différente chez des malades de 60 à 70 ans, atteints d'insuffisance cardiaque. »
H Aghahanian et al, Nature, volume 573, page 430–433, 2019
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