Microbiote

Maladies cardiométaboliques : les médicaments influent sur les bactéries intestinales

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Publié le 04/02/2022

Grâce à des analyses métagénomiques, le consortium MetaCardis a pu mettre en évidence les effets de différents médicaments, seuls ou combinés, sur le microbiote de patients atteints de maladies cardiométaboliques.

Les médicaments modifient la quantité et la fonction des bactéries intestinales

Les médicaments modifient la quantité et la fonction des bactéries intestinales
Crédit photo : Phanie

Comment interagissent médicaments et bactéries intestinales chez les patients atteints de maladie cardiométabolique ? Les scientifiques du consortium européen MetaCardis apportent éléments de réponse dans « Nature ».

MetaCardis est un vaste programme de recherche lancé en 2012 qui étudie le rôle du microbiote intestinal dans les maladies cardiométaboliques en vue de développer de nouveaux outils diagnostiques et préventifs. Ce projet est coordonné par la Pr Karine Clément du département nutrition de l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière (AP-HP) en collaboration avec différents partenaires européens.

Prise en compte des combinaisons de médicaments

Le consortium s’appuie sur des données métagénomiques (analyse génomique des bactéries) et métabolomiques (analyse génomique des composés issus des bactéries présents dans le sang) issues de 2 173 individus européens. « Cette cohorte est constituée d’un groupe contrôle et de différents groupes de patients associés à différents niveaux de sévérité de la maladie cardiométabolique, ce qui nous permet de retracer l’histoire naturelle de la progression de la maladie », détaille au « Quotidien » Marc-Emmanuel Dumas, co-auteur de l’étude et directeur du Centre national de médecine de précision des diabètes (PreciDIAB).

Plusieurs types de médicaments et leurs interactions ont été étudiés : antibiotiques, statines, bêtabloquants, aspirine, metformine ou encore inhibiteurs d’enzyme de conversion de l’angiotensine et inhibiteurs des récepteurs de l’angiotensine 2. Leurs effets sur la quantité des bactéries intestinales et leur fonction ont été analysés en lien avec l’évolution de la maladie.

Les chercheurs ont notamment observé que la combinaison d’un diurétique de l’anse et d’un bêtabloquant est associée à un niveau élevé de bactéries du genre Roseburia, qui sont bénéfiques pour la santé. Et les personnes recevant des statines avaient plus de chance de présenter une composition microbienne saine.

En revanche, les inhibiteurs de la pompe à protons sont associés à des altérations du microbiote intestinal. Avec ces médicaments, des bactéries habituellement présentes dans la cavité buccale ont été retrouvées à des niveaux élevés dans le côlon des patients. « L’observation que nous avons faite est importante, car la présence de bactéries buccales dans le côlon est associée à un risque accru de développer certains types de cancer du côlon », explique Oluf Pedersen (université de Copenhague), co-auteur de l’étude.

Et de manière attendue, les antibiotiques ont également un effet délétère sur le microbiote, avec un appauvrissement de la diversité microbienne. « Les personnes ayant été traitées par antibiotiques à plusieurs reprises au cours des cinq dernières années ont tendance à avoir un microbiote similaire à celui de personnes ayant une maladie métabolique comme le diabète », rapporte Marc-Emmanuel Dumas.

Distinguer effet des médicaments de celui du microbiote

Mais si ces résultats apportent un nouvel éclairage sur le lien entre médicaments, microbiote et maladies cardiométaboliques, il s’agit d’une étude observationnelle, qui ne permet pas de conclure un lien de cause à effet.

« Notre étude montre l’impact prépondérant des médicaments sur les bactéries intestinales, résume le chercheur. Elle souligne également l’importance de distinguer l’effet des médicaments de l’effet de la maladie elle-même sur le microbiote. »

Identifier la contribution réelle des médicaments sur la maladie par rapport à celle du microbiote est en effet essentiel pour proposer des solutions adaptées. « Cette étude suggère, qu’à terme, l’analyse du microbiote permettra d’identifier des marqueurs pour déterminer des groupes de patients en fonction de leur réponse au traitement, et nous pourrons ainsi conseiller les médecins et les accompagner dans leur prise de décision », estime Marc-Emmanuel Dumas.

Pour le chercheur, « notre étude apporte la preuve de concept de l’interaction entre médicaments, microbiote et maladies métaboliques, mais des études plus ciblées sont maintenant nécessaires pour aller plus loin et tendre vers une médecine de plus en plus personnalisée ».

Les travaux du consortium menés en parallèle s’orientent à présent sur l’identification de signatures microbiennes aberrantes associées à la maladie, prenant en compte l’impact des médicaments.

S. K. Forslund et al., Nature, 2021. doi: 10.1038/s41586-021-04177-9

Charlène Catalifaud

Source : Le Quotidien du médecin