Dans une lettre adressée à Marisol Touraine, ministre de la Santé, le Syndicat de jeunes biologistes médicaux représenté par les Drs Thomas Nenninger, président, et Thomas Vallotton, membre du bureau, s’inquiète de l’arrivée des nouveaux anticogulants oraux (NACO) en remplacement des AVK dans certaines indications.
Les biologistes se font porte-parole des difficultés de la profession face à ces nouvelles molécules dont ils reconnaissent l’efficacité, mais dénoncent un à un les écueils : aucun antidote disponible en cas d’urgence, perturbations des tests classiques d’hémostase non corrélés à la dose du principe actif, absence de tests de coagulation disponibles en cas d’urgence, pas de recul à long terme comparativement aux AVK, et bien d’autres encore : prix trop élevé, prescription croissante, risque de banalisation du traitement, manque d’informations des patients, manque d’interaction avec les prescripteurs hospitaliers... La liste est longue.
Interrogé par « le Quotidien », les biologistes se défendent vivement de toute intention mercantile : il ne s’agit pas de rattraper un « marché » des INR qui pourrait leur échapper pour des molécules qui ne demandent aucun suivi biologique. « Nous étions réjouis de l’arrivée de ces nouvelles molécules qui sont vraiment novatrices et qui peuvent rendre service aux patients, affirme le Dr Nenninger, c’est à notre avis un véritable progrès pour les patients. D’ailleurs nous aurions pu y trouver des avantages, car un suivi biologique spécifique fera appel à de nouvelles technologies qui, si elles voient le jour, seront très certainement mieux prises en charge que les INR. »
Mic-mac
La réalité est bien différente. Les biologistes sont dorénavant face à des situations incongrues. « Souvent les biologistes médicaux ne sont pas informés du fait que leurs patients sont placés sous cette nouvelle thérapeutique. Se pose alors le problème de l’interprétation des bilans d’hémostase. Les analyses d’hémostase sont par ailleurs prescrites par méconnaissance du suivi biologique de ces molécules et dans un certain nombre de cas dans une volonté légitime de se rassurer en tant que médecin responsable face à un médicament anticoagulant pour lequel le recul est insuffisant. Interpréter un INR sous NACO est une absurdité médicale dont les conséquences sont potentiellement dramatiques ! » écrivent-ils au ministre.
Désinformation totale
Aussi étonnant que cela puisse paraître, la profession n’a reçu aucune information spécifique au moment de l’arrivée de cette nouvelle classe, ni de la part des autorités de tutelles, ni de celle des industriels qui commercialisent ces molécules. « Nous n’avons pas d’équivalent de la visite médicale, ni de cessions de formation » regrette le Dr Nenninger. « Il m’arrive d’ailleurs à l’occasion de faire de la bibliographie pour certains de mes confrères, précise le Dr Nenninger. Sur Twitter, vous pouvez lire les échanges entre confrères face à cette désinformation. »
Même pas un dosage antiXa
Pourtant les situations concrètes existent. Lorsqu’un patient par erreur prend une posologie inadéquate et que le contexte clinique fait évoquer un surdosage, il n’y aucune moyen biologique de le prouver, en ville : « Comme ce sont des inhibiteurs Xa ou IIa, nous pensions qu’en mesurant l’activité anti Xa ou anti IIa nous pourrions apporter une réponse biologique au risque de surdosage. Même pas, ce n’est pas fiable. Ca ne marche pas, le dosage ne veut rien dire » insiste le Dr Nenninger.
Les remèdes.
En attendant de solutions techniques fiables, trouver un antidote, des tests biologiques pour les situations d’urgence, le Syndicat réclame un statut particulier pour ces nouvelles molécules, un encadrement des prescriptions, un dialogue entre le monde hospitalier et le monde libéral afin de combler le fossé du manque d’informations.
Il y a une semaine, l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) rappelait dans une lettre adressée aux professionnels de santé, les mises garde sur les facteurs de risques hémorragiques liés à la prescription de ces nouveaux anticoagulants oraux, apixaban, dabigatran et rivaroxaban (respectivement Eliquis, Pradaxa et Xarelto). L’ANSM précise que les essais cliniques et l’expérience après la mise sur le marché ont démontrée que les événements hémorragiques majeurs y compris ceux ayant entraîné une issue fatale, ne concernent pas seulement liés antagonistes de la vitamine K/HBPM mais est aussi un risque important associé à l’utilisation des nouveaux anticoagulants oraux. Ces recommandations sont disponibles sur le site de l’ANSM.
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