Alors que le traitement percutané des fuites mitrales primaires est bien démontré, et bénéficie d’un remboursement en France depuis plusieurs années, son intérêt dans les régurgitations mitrales secondaires est resté plus discuté. « Dans ce contexte, la fuite est liée à la dilatation et à la dysfonction ventriculaire gauche, mais l’appareil mitral est normal », rappelle le Pr Jean-Noël Trochu. Toutefois, différentes études fondées sur des registres avaient souligné les bénéfices du traitement percutané, très largement utilisé en Allemagne, sur la qualité de vie. Néanmoins, il n’existait pas d’essais randomisés pour prouver un bénéfice clair sur la morbimortalité. En 2013, l’étude MITRA-FR, coordonnée par le Pr Jean-Francois Obadia des Hospices Civiles de Lyon, a donc été lancée en France dans le cadre d’un Programme hospitalier de recherche clinique (PHRC). Les résultats de cet essai, publiés en 2018, s’avéraient négatifs pour le critère d’évaluation principal qui combinait les décès toutes causes et les hospitalisations pour insuffisance cardiaque (IC). Quelques semaines plus tard, les résultats à 2 ans de l’étude COAPT, menée sur une population américaine (avec des critères d’inclusion, une méthodologie et un objectif principal différents), étaient très positifs concernant la réduction des hospitalisations pour IC et la mortalité toute cause. Cependant, en 2019, les données de suivi à 2 ans de MITRA-FR confirmaient l’absence de bénéfice du traitement percutané comparativement à une prise en charge médicale optimale.
Les raisons de la controverse
Ces résultats discordants ont été à l’origine de débats nourris, d’échanges internationaux, de publications, et de nombreuses hypothèses ont été avancées pour expliquer ces différences. Parmi les possibles explications, l’appréciation de la sévérité de la fuite mitrale, qui dépendrait de son caractère proportionné ou non à la dilatation du ventricule gauche. Ainsi, chez les patients inclus dans COAPT, la maladie valvulaire était plus souvent prédominante et la fuite mitrale « disproportionnée », tandis que dans MITRA-FR, la dilatation du ventricule gauche (VG) était plus importante et la fuite mitrale proportionnée avec une régurgitation en moyenne moins sévère.
« Il s’agit là de données conceptuelles, qui restent à l’état d’hypothèse », souligne le Pr Trochu, qui rappelle que de nombreuses questions ne sont pas résolues, en particulier dans des sous-groupes non explorés (régurgitation mitrale fonctionnelle et fibrillation atriale chronique, régurgitation mitrale s’aggravant à l’effort, etc.). Les discussions se poursuivent à l’échelon mondial.
Le Mitraclip chez les patients éligibles
En novembre dernier, sur la base de ces deux études, la Haute Autorité de santé a validé le principe d’une prise en charge du clip de réparation mitrale, Mitraclip, dans l’insuffisance mitrale secondaire de grade 3 +/4+ symptomatique malgré un traitement médical optimal, dans un cadre très précis. Il s’agit de patients non éligibles à la chirurgie de réparation ou de remplacement valvulaire, ayant été hospitalisés pour IC dans les 12 mois précédant l’intervention, ayant une fraction d’éjection ventriculaire gauche comprise entre 20 et 50 %, une surface de l’orifice régurgitant > 0,3 cm² et un volume télédiastolique indexé du VG ≤ 96 ml/m². Les patients ayant un VG fortement dilaté et une insuffisance mitrale modérée ou moindre ne sont donc pas en France éligibles à la technique.
Une « Heart Team » déterminante
« Il faut souligner l’importance de la discussion multidisciplinaire et de la confirmation de l’indication au sein d’une « Heart Team », après une phase de titration du traitement médical cardioprotecteur et éventuelle resynchronisation cardiaque, qui nécessite en général de 3 à 6 mois », précise le Pr Trochu.
« Globalement, les régurgitations mitrales s’observent chez un quart à un tiers des patients insuffisants cardiaques. Un traitement médical bien conduit permet chez moitié de ces patients une amélioration franche en cas de fuite modérée à sévère. Ces données soulignent l’importance de la prise en charge de ces patients, qui doivent bénéficier d’un traitement médical optimal et être adressés dans un centre expert en valvulopathies », conclut le Pr Trochu.
D’après un entretien avec le Pr Jean-Noël Trochu, Institut du thorax (CHU de Nantes).
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