Les lettres
Depuis quelques années, on assiste à l’émergence de nouveaux concepts sémiologiques comme celui « d’altération de l’état général » ou « AEG » accompagnant les médiatiques « burn out syndrome », syndrome de fatigue chronique, fragilité etc. De nos jours, l’altération de l’état général est devenue un motif fréquent de recours aux urgences et quasiment le premier motif d’hospitalisation des patients dans les services de médecine aussi bien dans les hôpitaux généraux que les CHU. Une étude faite en 2008 à partir des « lettres » d’hospitalisation montre que l’AEG concernait 4 à 5 patients hospitalisés sur 10 dans un service de médecine ouvert sur les urgences [1]. Dans cette étude, « l’altération de l’état général » était stricto sensu le motif principal, souvent unique ou prédominant, d’admission de ces patients à l’hôpital.
Disparates
Cependant, sur un plan sémantique ou médical, la définition de ce concept d’AEG est imprécise et recouvre en routine clinique un certain nombre de syndromes ou d’entités totalement disparates allant de l’asthénie aux conditions sociales précaires rendant tout maintien à domicile illusoire, en passant par l’anorexie, l’amaigrissement… La figure 1 illustre les principaux symptômes ou syndromes retenus dans l’étude citée ci-dessus, après analyse détaillée des motifs d’hospitalisation avec les patients et les médecins de référence de ces patients [1]. La lecture des principaux traités de médecine ne nous éclaire pas sur ce concept, celui-ci n’étant pas abordé dans ces ouvrages. La classification internationale des maladies (CIM-10), quant à elle, n’en fait pas état.
Les 3 A
Le site Wikipedia, site qui se veut encyclopédie sur le net, permet toutefois d’appréhender ce concept. Il définit en effet « l’altération de l’état général » comme l’association de 3 symptômes, les « 3A » : anorexie, asthénie, amaigrissement. Il précise de plus que cette altération de l'état général peut « être le seul signe révélateur de nombreuses maladies organiques et témoigne d'une détérioration de l'état de santé global de l'individu ».
Cette notion d’atteinte de l’état de santé global de l’individu est probablement familière pour les gens, les patients, voire parlante pour l’interniste que je suis (un des fondements de la médecine interne étant justement la prise en charge globale de l’individu) mais semble ambiguë, ambivalente voire obsolète à l’ère de la toute puissante médecine factuelle (ou Evidence-Based Medicine) ou la précision est souvent exigée et érigée en dogme. De plus, à l’heure ou l’économie s’invite à la table des médecins (T2A, gouvernance…), ce flou sémiologique a un coût pour les patients et pour la Société, l’imprécision étant un des facteurs de la « consommation » effrénée et non réfléchie d’examens complémentaires.
Les illustres anciens
Il est donc urgent de revenir à une sémiologie validée par nos illustres anciens (Laennec, Heberden, Osler, Trousseau, Babinski, Siguier, Godeau…) et une terminologie précise et explicite faisant la part belle à des entités, concepts et notions connus enseignés à la Faculté : amaigrissement, asthénie, fièvre, anorexie… En l’absence de travaux scientifiques sur ce sujet, il convient donc de laisser la formulation « altération de l’état général » à la communication !
Service Médecine Interne, Diabète et Maladies métaboliques, Clinique Médicale B, Hôpitaux Universitaires de Strasbourg, Strasbourg, France.
Référence : Andres E. Altération de l’état général : un concept on ne peut plus flou. Journées médicales de Strasbourg 2009.
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