« Toutes les études antérieures s’étant révélées négatives sur leur critère primaire dans l’insuffisance cardiaque à fraction d’éjection préservée (IC-FEp), nous attendions beaucoup de l’étude PARAGON », avoue le Pr Michel Galinier (CHU de Toulouse). Précédemment, l’étude preuve de concept PARAMOUNT, qui comparait une molécule associant le sacubitril (inhibiteurs de la néprilysine) et le valsartan (antagoniste des récepteurs de l'angiotensine II, ARA II) par rapport au valsartan seul, avait déjà démontré chez environ 300 patients une diminution du NT-proBNP et de l’atteinte de l’oreillette gauche, suggérant un effet thérapeutique.
Dans l’essai PARAGON, la molécule de sacubitril/valsartan (97/103 mg par jour ; Entresto) a donc été évaluée chez 4822 patients insuffisants cardiaques qui présentaient une FEVG préservée ≥ 45%. « Le premier défaut de l’étude est de ne pas avoir cherché la cardiopathie amyloïde chez les patients. Le second est d’avoir été un peu trop optimiste et honnête sur le choix du comparateur », note le Pr Galinier. En effet, il aurait été possible de comparer versus placebo. Cependant, pour évaluer uniquement l’action du sacubitril et afin que le groupe témoin puisse bénéficier d’un ARA II pour traiter l’hypertension artérielle souvent associée, le valsartan (160 mg 2 fois/jour) a été choisi.
Un essai négatif sur le critère primaire, mais de peu…
Les patients, âgés en moyenne de 73 ans, étaient presque tous hypertendus (95%) et présentaient beaucoup de comorbidités (50% de patients obèses, 45% de diabétiques, 50% d’insuffisants rénaux, …). « Le pronostic vital de l’IC-FEp étant davantage lié aux comorbidités qu’à l’atteinte cardiaque, ces patients avaient peut-être trop de comorbidités pour pouvoir démontrer le bénéfice d’un médicament cardiovasculaire… », remarque le Pr Galinier. Néanmoins, les deux courbes évènementielles du critère primaire (décès cardiovasculaires et hospitalisations pour IC) ont commencé à se séparer assez tôt, puis de plus en plus au cours des 34 mois de suivi… Mais à l’arrêt de l’essai, la différence observée de 13% n’a pas atteint le seuil de significativité (p=0,059) et l’étude s’est révélée négative. En effet, aucun bénéfice n’a été observé sur les décès cardiovasculaires. « Il n’y a certainement pas d’effets sur la mortalité à attendre d’un seul traitement dans cette maladie, qui est plurielle », commente le Pr Galinier. Par contre, les hospitalisations pour IC ont diminué de 15% dans l’essai (p=0,056).
Sur les critères secondaires, l’association sacubitril/valsartan améliore significativement, par rapport au valsartan seul, les symptômes selon la classification du score NYHA, la qualité de vie (appréciée par le KCCQ) et prévient davantage la dégradation de la fonction rénale. Concernant le profil de tolérance, il a été observé avec l’association davantage d’hypotension (15,8% versus 10,8%) et d’angioedèmes (peu fréquents), mais moins d’hyperkaliémie et d’élévation de la créatininémie.
Un bénéfice inattendu chez les femmes et en cas de FE intermédiaire
Concernant les analyses en sous-groupes, une diminution de 28% du critère primaire a été rapporté chez les femmes, contre une augmentation de 3% chez les hommes. Cette différence pourrait être due à l’inclusion de patients avec une cardiopathie amyloïde à transthyrétine, retrouvée à 90% chez les hommes et dont l’importance était encore méconnue lors du démarrage de l’étude. « Dans mon service, nous recherchons aujourd’hui systématiquement la cardiopathie amyloïde en cas d’IC-FEp et nous en trouvons chez 18% des patients », précise le Pr Galinier. Le blocage de la néprilysine par le sacubitril pouvant favoriser l’accumulation des chaînes amyloïdes, les patients atteints de cette pathologie n’ont peut-être pas pu bénéficier de l’effet de la molécule de sacubitril/valsartan, voire même subir une détérioration de leur état.
D’autre part, une réduction de 22% du critère primaire est rapportée dans le sous-groupe de patients avec une FE inférieure à la médiane de 57%, alors qu’aucun effet n’est observé chez ceux dont la FE est supérieure à 57%. « Plus la FE est basse dans cet essai, plus l’effet thérapeutique de la molécule de sacubitril/valsartan est marqué. On a peut-être trouvé un médicament de l’IC à FE intermédiaire (FEVG 41-49%) plutôt qu’à FE préservée, commente le Pr Galinier. Il faudrait probablement soit être plus sélectif, soit avoir des actions multiples pour espérer diminuer la mortalité dans l’IC-FEp, qui concerne près d’un insuffisant cardiaque sur deux ».
D’après un entretien avec le Pr Michel Galinier (CHU de Toulouse) lors du congrès de l’ESC, le 3 septembre 2019.
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