Caractère polypathologique
Il apparaît indispensable de définir, chez le sujet âgé, le rapport bénéfique/risque des traitements anticoagulants. Cette question est d’autant plus légitime que 10 % des sujets de plus de 80 ans ont une fibrillation auriculaire et 1 % des sujets de plus de 75 ans une maladie thromboembolique veineuse.
Les facteurs de risque thromboembolique du sujet âgé sont inhérents au caractère polypathologique de ces patients. On note en effet une augmentation significative du risque thrombotique après 85 ans comparé aux patients de 65 à 75 ans, le risque étant multiplié par 2,25 (CI 95 % 1,1-4,6) et augmentant encore après 95 ans avec un Odds ratio à 3,28 (CI 95 % : 1,2-9). Les autres facteurs de risque indépendants de maladie thromboembolique veineuse sont l’immobilisation qu’il s’agisse d’une mobilité limitée (lit /fauteuil) ou une immobilisation au fauteuil, au lit avec un Odds ratio entre 1,7 et 5,6. Les antécédents de thrombose veineuse ou d’embolie pulmonaire sont un facteur de risque indépendant d’un nouvel événement thrombotique (Odds ratio : 3,4 ; CI 95 % : 1,9-5,8). De même, la poussée d’insuffisance cardiaque, les œdèmes chroniques des membres inférieurs, la présence d’une parésie et/ou d’une paralysie d’un membre inférieur sont des facteurs de risque significatifs de survenue d’un événement thrombotique veineux (weill-engerer s et al, J Am Geriatr Soc 2 004 ; 52 : 1299-1304). Certains autres facteurs de risque comme l’insuffisance veineuse compliquée, la présence d’une infection aiguë qui sont des facteurs de risque significatifs en analyse uni variée, n’apparaissent pas comme des facteurs indépendants du risque thrombotique.
Insuffisance rénale et anticoagulants
L’insuffisance rénale n’apparaît pas clairement comme un facteur de risque thrombotique même si cette comorbidité est associée à un risque de récidive de thrombose veineuse (3 % à trois mois) ou d’embolie pulmonaire léthale (4,9 % à 3 mois). Par contre c’est un élément limitant l’utilisation des traitements anticoagulants à base d’héparine de bas poids moléculaire (HBPM). En effet, il est aujourd’hui recommandé de ne pas utiliser les HBPM chez les patients ayant une clairance de créatinine inférieure à 30 ml/minute, la filtration glomérulaire devant être systématiquement évaluée chez les patients âgés de plus de 75 ans. La plupart des essais cliniques ayant utilisé la formule de Cockcroft pour calculer la filtration glomérulaire, cette dernière est recommandée même si elle sous estime un peu la filtration glomérulaire chez le sujet âgé. La solution en cas de réduction néphronique est bien sûr l’utilisation des héparines non fractionnées. Il existe cependant des particularités d’utilisation réduisant les effets secondaires de ces héparines : le respect des posologies, adaptées au poids du patient, la limitation de la durée du traitement par HBPM à dose curative pour une durée maximale de dix jours, enfin le repérage des associations médicamenteuses déconseillées comme les antiagrégants plaquettaires ou les anti-inflammatoires non stéroïdiens.
La surveillance de l’activité anti-Xa peut, dans ces cas particuliers, être utile chez les sujets insuffisants rénaux, de faible poids et peut permettre de sécuriser l’usage des HBPM lorsque les traitements doivent durer plus de dix jours. Une surveillance de l’activité anti-Xa n’est pas applicable au fondaparinux.
Il n’existe pas de recommandation thérapeutique utilisant les AVK en prévention primaire du risque thromboembolique. L’arrivée des nouveaux anticoagulants par voie orale n’apportera certainement pas la panacée par rapport aux HBPM ou aux AVK. En effet, si le niveau de prévention du risque thromboembolique est similaire aux HBPM et AVK, le risque hémorragique n’est guère diminué (à l’exception des résultats de l’étude RE-LY). Par ailleurs, les recommandations d’usage de ces médicaments tiendront de toute évidence compte de la fonction rénale avec une contre-indication vraisemblable en dessous d’une clairance de créatinine de 30 ml/minute.
Diversité
Par nature, le sujet âgé, polypathologique et polymédiqué, a de plus grands risques de thrombo-embolie. Pour les mêmes raisons, il a autant de facteurs rendant difficiles la gestion des anticoagulants et augmentant la fréquence des accidents hémorragiques.
La situation du sujet âgé doit donc être extrêmement bien appréhendée dans toute sa diversité par le médecin au moment où une prise en charge de prévention thromboembolique ou curative de la maladie thrombo-embolique veineuse est discutée en mettant en balance d’une part le risque thrombotique et d’autre part le risque hémorragique.
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