LA STENOSE CAROTIDIENNE peut bénéficier d’un traitement radical, soit par endartériectomie, soit par angioplastie, protégée ou non protégée. Quel patient relève de l’une ou l’autre technique et avec quels résultats ? Bonne question !
Des résultats d’études contradictoires.
Exéprimentée dans les années 1950, il aura fallu attendre plus de 40 ans pour prouver l’efficacité de l’endartériectomie, comparativement aux médicaments.Puis, l’angioplastie carotidienne est arrivée : « initialement réservée aux malades qui n’étaient pas opérables, on a voulu savoir d’emblée si elle faisait mieux que la chirurgie, ce qui était prématuré ! » regrette le Dr Amor. En outre, la question de savoir comment protéger le cerveau s’est rapidement posée, car la sténose carotidienne est emboligène. Dans les années 2000, est venue l’idée d’utiliser un panier filtre (système Angioguard) arrêtant les débris – mais pas le sang – que l’on retire en fin d’intervention. Il ne restait plus qu’à comparer l’endartériectomie à l’angioplastie carotidienne réalisée avec ce système de protection.
Entre 2006 et 2010, quatre études ont donc été menées. « L’étude française EVA-3S a été publiée en 2006 (1). Elle porte sur 527 malades symptomatiques et a montré un risque opératoire neurologique deux fois plus élevé chez les malades ayant eu une angioplastie que chez les malades opérés. Mais, elle a comparé des opérateurs très entraînés – les chirurgiens – à des opérateurs peu entraînés, de sorte que les Américains en ont conclu que cette étude a surtout montré que des chirurgiens très expérimentés étaient meilleurs que des angioplasticiens débutants ! » souligne le Dr Amor.
En 2006, l’étude SPACE (2) a montré, sur 1 200 malades, que les résultats de la chirurgie et de l’angioplastie étaient à peu près équivalents pour les AVC et ce, bien que 70 % des malades aient été dilatés sans protection, de surcroît, avec des équipes non entraînées.
Publiée en 2009, l’étude anglaise ICSS (3) a inclus 1 713 malades et a démontré à nouveau la supériorité de l’endartériectomie carotidienne sur l’angioplastie. Mais elle portait exclusivement sur des malades symptomatiques. Les cardiologues interventionnels manquaient d’expérience, ils n’ont pas protégé 30 % des malades et n’ont pas donné d’antiagrégants plaquettaires le jour de l’angioplastie.
Enfin, en mai 2010, l’étude américaine CREST a comparé les deux méthodes sur un effectif de plus de 2 500 malades, dont 47 % étaient asymptomatiques et 53 % symptomatiques (4). Outre les décès et les AVC à 30 jours, elle a tenu compte du nombre d’infarctus du myocarde et d’accidents neurologiques à 2 ans. Mais surtout, les équipes choisies pour l’angioplastie étaient toutes des équipes sélectionnées plus chevronnées. « Cette étude a montré qu’à expérience égale des équipes, l’endariectomie et l’angioplastie étaient équivalentes en termes de résultats globaux (neurologiques et cardiaques combinés), soit des résultats différents des études EVA-3S et ICSS », remarque le Dr Amor.
Et si on se posait enfin les bonnes questions ?
Chez les malades neurologiquement symptomatiques, le traitement radical (chirurgie, angioplastie) est supérieur au traitement médical et doit être mis en œuvre rapidement, si possible dans les deux semaines qui suivent les symptômes. Comparativement à l’angioplastie, le traitement chirurgical est meilleur du point de vue neurologique et inférieur du point de vue cardiaque, avec les techniques de protection actuelles. L’indication thérapeutique de l’une ou l’autre technique nécessite des centres équipés et des équipes multidisciplinaires très entraînées.
« Plus de 70 % des endartériectomies réalisées aujourd’hui concernent ces patients neurologiquement asymptomatiques. Il n’y a donc pas lieu de réserver le débat sur les angioplasties aux seuls malades symptomatiques et ce, d’autant qu’on ne dispose d’aucune étude montrant que le traitement médical fait mieux que le traitement radical chez les patients asymptomatiques ayant une sténose serrée évolutive. Il ressort même des études que la seule sténose qui continue d’évoluer défavorablement est surtout celle qui n’a bénéficié d’aucune chirurgie ou angioplastie », poursuit le Dr Amor. Finalement, il est grand temps, en 2010, de se demander quels malades, parmi ceux qui sont asymptomatiques, relèvent d’une angioplastie carotidienne. « Ceux ayant une lésion sévère, ulcérée, hypoéchoéchogène et une sténose ou occlusion controlatérale, ou encore les patients avant chirurgie à risque (cardiaque, vasculaire, neurochirurgicale …) ou les patients dont la sténose augment, sont sans doute en première ligne. A côté des indications de l’angioplastie qu’il importe d’affiner, se pose également le problème des protections qui ne sont pas prises en charge par la sécurité sociale, alors qu’il apparaît aujourd’hui impensable d’intervenir sans protection, puisque chez les patients tout-venant, l’angioplastie avec protection donne incontestablement de meilleurs résultats que la chirurgie », conclut le Dr Amor.
D’après un entretien avec le Dr Max Amor, clinique Louis Pasteur, Essey-lès-Nancy.
(1) N Engl J Med 2006;355:1660-71.
(2) Lancet 2006;368:1239-47.
(3) Lancet 2010;375:985-97.
(4) N Engl J Med 2010;363:11-23.
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