LE QUOTIDIEN : Comment évolue la mission des cardiologues libéraux ?
Dr VILLACEQUE : Les patients et les institutions nous demandent de proposer une prise en charge reposant sur une vision globale du patient. Et aujourd’hui, on peut dire que la cardiologie assume pleinement cette mission, tout en assurant une prise en charge de proximité. Dans les cabinets de ville, on trouve toujours un grand nombre de cardiologues généralistes qui ont un exercice pleinement complémentaire des cardiologues hyperspécialisés d'établissements publics ou privés. Aujourd’hui, les cardiologues libéraux font le lien entre ces collègues hospitaliers et les médecins généralistes pour soigner des patients de plus en plus âgés et qui ont parfois un nombre important de comorbidités. Mais nous sommes aussi des cardiologues de proximité, et nous devons prendre en compte l’environnement sanitaire et social des patients.
Comment se développe l’exercice de la cardiologie en cabinet ?
Sur 6 210 cardiologues, 66 % exercent en libéral. Une partie de ces libéraux exerce en établissement privé et d’autres en cabinets de ville. Il est donc difficile d’évaluer avec précision le nombre de praticiens exerçant seulement en cabinet. Mais chaque année, sur 185 nouveaux internes, 38 se destinent à la cardiologie générale. Cependant, l’exercice a largement évolué au cours des dernières années. Il est devenu plus collectif à travers des cabinets de groupes, intégrés parfois dans des communautés professionnelles territoriales de santé. C’est important de travailler à plusieurs, notamment pour assurer la continuité des soins ou pour mutualiser le matériel, dont les appareils d’échographie. Le fait d’avoir un exercice de groupe facilite aussi l’usage de la télémédecine. Si un cardiologue est absent, son collègue peut poursuivre à sa place la télésurveillance par exemple. Les cardiologues libéraux ont aussi un exercice de plus en plus coordonné et renvoient régulièrement des patients vers les acteurs de proximités : médecins, infirmières, kinésithérapeutes, assistantes sociales. De manière générale, la cardiologie libérale a davantage recours au travail aidé par l’intermédiaire des assistants médicaux et des infirmiers de pratiques avancées (IPA). C’est une demande forte des patients pour avoir un meilleur accès aux soins et une prise en charge plus globale.
Comment progresse le recours aux IPA ?
Ces derniers mois, le Syndicat national des cardiologues (SNC) s’est fortement engagé pour promouvoir le recours aux IPA. Une nécessité dans un contexte démographique très tendu. Alors que 185 internes sont formés tous les ans, on enregistre dans le même temps 220 départs en retraite. Ce qui entraîne une disparité dans l’accès aux soins avec des territoires sous-dotés, des délais d’attente souvent trop longs pour permettre l’application des recommandations édictées par les Sociétés savantes ou la Haute Autorité de santé.
Dans ce contexte, la collaboration avec les IPA peut être précieuse. En effet, leurs compétences élargies leur permettent d’exercer une activité à caractère médical dérogatoire, pour le suivi de patients sur des parcours complexes, en appui du cardiologue. Plus qu’un infirmier sans pour autant être un « mini-médecin », l’IPA s’inscrit dans le cadre d’un transfert de compétences et de tâches antérieurement réalisées par le cardiologue, en travaillant sous sa supervision.
Quel est le profil des patients suivis en libéral ?
Les patients, suivis en libéral, ne sont pas sensiblement différents de ceux traités en établissement. On reçoit des patients avec une insuffisance cardiaque, des coronariens, des troubles du rythme, de l’hypertension artérielle… Nous accueillons aussi des patients qui, en établissements, sont plutôt orientés vers la gériatrie et n’ont pu être pris en charge par un cardiologue.
Comment la télémédecine est-elle utilisée ?
Les cabinets de ville ont un usage variable de la télémédecine. La cardiologie n’est pas une spécialité qui se prête véritablement à la téléconsultation. Nos patients ont souvent besoin d’un électrocardiogramme (ECG) ou d’une échographie et se déplacent donc au cabinet. Mais cette téléconsultation peut tout à fait être effectuée dans 5 % des cas pour l’explication d’un résultat, comme un coroscanner ou une scintigraphie myocardique. La télé-expertise, par exemple pour donner un avis sur un ECG, pourrait se développer au cours des prochaines années, avec la hausse des tarifs à 20 euros pour le spécialiste requis. Enfin, la cardiologie est leader en télésurveillance, notamment dans l’insuffisance cardiaque et les contrôles de pacemaker.
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