« Nous ne pouvons que constater que l'insuffisance cardiaque (IC) est très fréquente et le sera de plus en plus, qu'une certaine proportion n'est probablement pas diagnostiquée avec pour corollaire un grand nombre d'hospitalisations pour décompensation cardiaque », déplore la Dr Florence Beauvais. Plusieurs raisons : le diagnostic est souvent trop tardif, et une fois établi, le plus souvent au cours d'une hospitalisation, la prise en charge n'est pas optimale en l'absence de filière spécialisée et coordonnée identifiée.
Alerter sur la symptomatologie
Le Groupe insuffisance cardiaque et cardiomyopathies (GICC) de la Société française de cardiologie (SFC) a établi 4 symptômes qui doivent alerter aussi bien le patient que les soignants et, pour éviter le retard au diagnostic, communique autour des signes cardinaux EPOF (Essoufflement, Prise de poids, Œdème, Fatigue). Selon une étude du GICC (1), un tiers des patients hospitalisés pour IC présentaient ces symptômes depuis plusieurs mois, ce qui pointe une méconnaissance avérée de leur signification.
« Deuxième constat, du fait du retard au diagnostic, la plupart des patients (45 % selon notre enquête) arrivent aux urgences, services souvent saturés, et ne sont donc pas pris en charge dans les structures adéquates, poursuit la cardiologue. Et une fois le diagnostic d'IC établi, le parcours de soins n'est pas toujours optimal ». Il repose sur trois piliers : traitement médical, éducation thérapeutique et reprise de l'activité physique. Ceci implique un traitement spécialisé, avec des doses optimisées, et une éducation du patient afin qu'il prenne conscience de ce que représente l'IC : son caractère chronique, le risque de décompensation dont il doit connaître les signes d'alerte et l'importance d'une réadaptation à l'effort.
Un parcours idéal bien établi en théorie…
Le parcours de soins proposé par la HAS (2) en 2014 comporte plusieurs étapes :
• evocation du diagnostic devant les symptômes EPOF et l'examen clinique qui doit amener à une prise en charge en urgence ou programmée, avec si possible hospitalisation dans une unité spécialisée d'IC, ce qui fait cruellement défaut ;
• confirmation du diagnostic, avec classiquement ECG, biomarqueurs sanguins et échocardiographie ;
• annonce du diagnostic d'IC en tant que maladie chronique. Or, selon l'enquête du GICC, 25 % des patients ne savent pas qu'ils ont une IC et qu'il s'agit d'une pathologie chronique. Rien n'a été mis en place pour l'annonce du diagnostic comme cela se fait dans d'autres pathologies ;
• mise en place de la stratégie thérapeutique codifiée dès la sortie d'une hospitalisation ou lors d'une consultation précoce. Les soignants, en particulier le médecin traitant et le cardiologue, doivent être informés le plus rapidement possible du diagnostic, afin qu'ils puissent revoir les patients dans les 7 jours pour le médecin généraliste et le mois qui suit pour le cardiologue ;
• éducation du patient qui devrait passer par l'accompagnement thérapeutique et au mieux par un programme de réadaptation cardiaque, associant à l'éducation un réentrainement à l'effort. Cependant, seulement 10 % des IC ont accès à la rééducation et le personnel formé pour l'accompagnement thérapeutique fait défaut. Le programme PRADO est intéressant mais ne concerne qu'un petit nombre de patients et ne répond pas à la nécessité de réentraîner les patients à l'activité physique ;
• suivi précoce et régulier, quelles qu'en soient les modalités, mais qui a du mal à se mettre en place avec des consultations trop souvent débordées ;
• prise en charge des comorbidités chez les patients âgés ou polypathologiques ;
• facilitation de l'accès à une filière spécialisée en cas de décompensation cardiaque, sachant que 30 % des patients sont réhospitalisés dans les 3 mois;
• inclusion pour certains de l'accompagnement de fin de vie.
D'après un entretien avec la Dr Florence Beauvais, unité d’insuffisance cardiaque, Centre d’éducation et de réadaptation cardiaque ambulatoire (CERCA), hôpital Lariboisière (Paris)
(1) Le parcours de soin selon le GICC : http://giccardio.fr/2019/04/02/parcours-de-soins-et-transfert-de-compet…
(2) Guide du parcours de soins « Insuffisance cardiaque », Juin 2014
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