LA MALADIE coronarienne stable est avant tout une maladie vasculaire, conséquence de la formation de plaques athéromateuses dans la paroi artérielle. Plusieurs études ont démontré que la fréquence cardiaque (FC) au repos est plus un facteur qu’un marqueur de risque. Son augmentation est, pour le Pr Bonnet, impliquée à trois niveaux de la maladie coronaire, et l’effet anti-athérogène recherché avec son ralentissement pharmacologique est prioritaire, même plus important que l’effet myocardique du point de vue du coronarographiste. On peut en attendre une amélioration du pronostic dans le sens de prévention de l’évolution de la pathologie artérielle.
La diminution de la durée de la diastole par une FC élevée augmente le temps d’exposition de l’endothélium à des forces de cisaillement [endothelial shear stress (ESS)] basses et leur impact sur le développement et la progression de la plaque d’athérome (1). Depuis PREDICTION, première grande étude à avoir démontré chez l’homme l’importance de l’hémodynamique dans la maladie coronaire (2), ces ESS basses apparaissent comme un paramètre supplémentaire à ajouter aux facteurs prédictifs déjà connus de rupture de la plaque d’athérome (volume, sténose, fragilité). Les études animales ont déjà montré qu’elles augmentent la vulnérabilité des plaques de part leur effet direct sur l’endothélium, impliquant des mécanismes de stimulation des facteurs promoteurs d’instabilité de la plaque (capture du LDL-cholestérol, stress oxydatif etc…) et de sa thrombogénicité, ainsi que l’inhibition de facteurs protecteurs (libération de NO, synthèses de la matrice extracellulaire et de la chape fibreuse).
On sait d’autre part qu’une lésion coronaire stable est une cicatrice d’une lésion instable ancienne. Or on dispose de résultats montrant l’effet délétère d’une augmentation de FC sur la survenue d’infarctus du myocarde (IDM), avec une relation causale entre FC et risque d’accident vasculaire coronaire indépendamment d’un effet sur le myocarde (3).
Le troisième élément, à ne pas sous estimer dans l’évolution de la maladie coronaire est le rôle de l’inflammation, avec son action sur la dysfonction endothéliale. L’étude prospective LURIC, qui porte sur plus de 3000 patients tous stables, a mis en évidence en 2012 un effet synergique délétère des FC et score inflammatoire élevés ; avec, pour les patients présentant les deux, un risque multiplié par huit d’accident coronaire et décès cardiovasculaire, aggravé par la pré-existence d’une lésion coronaire importante (X 10).
Côté traitements, on pourrait espérer que le fait de rallonger la diastole ait un effet athéro-protecteur. Mais les bêta-bloquants ne vont pas améliorer le pronostic de la maladie coronaire bien que bradychardisants pour certains d’entre eux, une idée renforcée par le registre REACH. L’ivabradine, premier représentant de la nouvelle classe thérapeutique des inhibiteurs du courant If, ne fait pas mieux en dehors d’une analyse post-hoc de BEAUTIFUL qui montre qu’elle diminue le risque d’IDM en réduisant la FC dans un sous-groupe présentant initialement un angor limitant (4) ; à garder en mémoire, sans cependant en tirer des conclusions définitives.
D’après la présentation « Ralentir la fréquence cardiaque dans la maladie coronaire : pourquoi, comment ? » du Pr Jean-Louis Bonnet, chef du service Cardiologie, maladies coronaires, Hôpital de la Timone, Marseille, lors d’un atelier débat de Biopharma / Servier Médical tenu dans le cadre du Printemps de la Cardiologie, vendredi 19 avril 2013, Marseille.
(1) Wentzel JJ et al. Endothelial shear stress in the evolution of coronary atherosclerotic plaque and vascular remodelling: current understanding and remaining questions. Cardiovasc Res. 2012 Nov 1;96(2):234-43.
(2) Stone PH et al. Prediction of progression of coronary artery disease and clinical outcomes using vascular profiling of endothelial shear stress and arterial plaque characteristics: the PREDICTION Study. Circulation. 2012 Jul 10;126(2):172-81.
(3) Fox K et al. Resting heart in cardiovascular disease. J Am Coll Cardiol. 2007 Aug 28;50(9):823-30.
(4) Fox K et al., on behalf of the BEAUTIFUL investigators. Relationship between ivabradine treatment and cardiovascular outcome in patients with stable coronary artery disease and left ventricular systolic dysfunction with limiting angina : A subgroup analysis of the randomized, controlled BEAUTIFUL trial. Eur Heart J 2009;19:2337-45.
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