La détérioration avec le temps des bioprothèses, notamment aortiques, est un phénomène bien connu, avec plus de 40 ans de recul d'implantation chirurgicale. Mais cette problématique intéresse désormais aussi la voie transcathéter (TAVI), qui s'adresse à des patients de plus en plus jeunes. Or, il était jusqu'à présent difficile de comparer la durabilité des valves aortiques, selon leur type ou leur mode d'implantation (chirurgicale ou TAVI), en l'absence de définition précise de la dégénérescence. Les études prenaient surtout en compte les taux de ré-intervention, qui la sous-estiment, et pour les procédures TAVI, les taux de survie, peu indicatifs chez ces patients souvent âgés.
« Ceci a conduit un groupe d'experts internationaux (VIVID, Valve in valve international data) à proposer un consensus sur la définition de la détérioration valvulaire, basée sur des critères échographiques exhaustifs, que ce soit pour la sténose ou la fuite », indique le Dr Thierry Bourguignon, l’un des auteurs de ce travail (1). Cette définition permet de caractériser la dégénérescence en quatre stades.
À chaque stade, sa conduite à tenir
Le stade 0 correspond à l'absence de détérioration. Le grade 1 à la mise en évidence, en échographie ou au scanner, d'anomalies des feuillets (épaississement ou immobilisation d’une cusp (frozen leaflet)), sans retentissement hémodynamique. Le stade 2 définit une détérioration modérée, avec une sténose (2S) ou une fuite (2R). Enfin, le stade 3 (3S ou 3R) indique une détérioration sévère.
Pour chaque stade, le consensus d'experts propose une conduite à tenir en termes de surveillance et le cas échéant de thérapeutique.
Vers des études comparatives avec critères standardisés
Grâce à cette définition standardisée, il devrait être plus facile de comparer la durabilité des bioprothèses entre elles et selon la procédure d’implantation.
« Qu’il s’agisse d’une chirurgie ou d’un TAVI, les bioprothèses sont fabriquées par les mêmes sociétés, avec les mêmes tissus et les mêmes traitements anticalcification, laissant penser que leur durabilité devrait être comparable quel que soit le mode d’implantation, rappelle le Dr Bourguignon. Mais certains facteurs pourraient avoir un impact, positif ou négatif sur le risque de détérioration. Lorsqu’on implante en TAVI, la surface valvulaire est plus grande pour éviter les fuites autour de la prothèse, et les gradients sont un peu plus faibles que pour une bioprothèse chirurgicale, ce qui pourrait augmenter leur durabilité. À l’inverse, les turbulences qui découlent de la valve native laissée en place et surtout le sertissage (« crimping ») de la valve, indispensable pour l’introduire dans le système de déploiement, sont susceptibles de réduire leur durabilité. Des études in vitro ont montré des lésions histologiques du collagène, sans conséquences cliniques connues ».
Toutes ces données soulignent ainsi la nécessité de réaliser des études comparatives basées sur des critères standardisés.
Une base pour de futures recommandations
« Nous avons eu beaucoup de retours positifs sur ce consensus et nous espérons qu'il va servir de socle à des études de bonne qualité. Les critères que nous avons retenus devraient être repris dans les prochaines recommandations du VARC (Valve academic research consortium) », rapporte le Dr Bourguignon.
L’EAPCI (European Association of Percutaneous Cardiovascular Interventions) a également récemment proposé une définition de la dégénérescence valvulaire, validée par la Société européenne de cardiologie (ESC) et l’Association européenne de chirurgie cardio-thoracique (EACTS) (2). « Ce travail reprend les mêmes critères échographiques en termes de gradient ( > 40 mm Hg pour une sténose sévère et gradient > 20 mm Hg pour une sténose modérée) que notre propre groupe, mais les paramètres que nous avons pris en compte sont beaucoup plus larges, car le gradient ne suffit pas toujours à évaluer la détérioration », précise le Dr Bourguignon.
D'après un entretien avec le Dr Thierry Bourguignon, CHU de Tours.
(1)Dvir D, Bourguignon T et al. Circulation. 2018;137:388–399. DOI: 10.1161/CIRCULATIONAHA.117.030729
(2)Capodanno D et al. Eur J Cardiothorac Surg. 2017 Sep 1;52(3):408-417. doi: 10.1093/ejcts/ezx244.
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