Chartres (28)
Dr Benoît Bayle
La pensée de Viktor Frankl (1905-1997), psychiatre autrichien à l’origine de la logothérapie, reste méconnue en France. Pourtant, nous devons à ce médecin de nombreuses découvertes, parmi lesquelles l’intention paradoxale, reprise par l’école de Palo Alto. Un colloque lui est consacré prochainement (1).
Dans chaque situation concrète de son existence, par-delà les déterminismes biologiques ou psychologiques qui peuvent le contraindre, l’être humain a la possibilité d’orienter sa vie vers ce qui lui donne du sens. Cette orientation ne se fait pas au hasard.
Une psychothérapie fondée sur la volonté de sens.
L’être humain est attiré par des valeurs qui guident ses choix, et sa décision prend en compte à la fois son aspiration à la liberté et son sens de la responsabilité. La personne qui perd l’usage de cette sorte de boussole intérieure, encourt le risque d’un « vide existentiel », problématique que nous retrouvons dans diverses circonstances psychopathologiques (dépression, addictions, borderline, etc.). Pour l’accompagner, le logothérapeute s’appuie sur une véritable clinique des valeurs (de vécu, de création et d’attitude), et de leurs conflits sous-jacents. Sa pratique, tournée vers le futur du patient, n’hésite pas à faire appel au dialogue socratique et à l’humour. Le thérapeute dispose également de méthodes propres, comme l’intention paradoxale, la déréflexion ou la modulation d’attitude, qui ont un impact thérapeutique extrêmement intéressant.
Soigner les phobies et les obsessions.
Frankl a ainsi proposé une méthode de soins des phobies et des obsessions. Cette méthode originale repose notamment sur la pratique de l’intention paradoxale. Il s’agit d’apprendre au patient à « désirer ce qu’il craint ». Son intention est orientée paradoxalement vers sa peur. Par exemple, dans le cadre d’une phobie sociale, si la personne a peur de trembler en public, ou encore de bafouiller en parlant, le thérapeute va lui apprendre à souhaiter montrer ses plus beaux tremblements, et à bafouiller autant qu’elle pourra ! Si elle craint d’avoir les mains moites devant son patron, il lui faudra souhaiter perdre trois litres d’eau… De l’analyse de la situation qui provoque son angoisse, le patient extrait les différentes peurs et apprend à les soigner par une intention paradoxale adaptée. Il se prépare aussi à traiter l’angoisse dès qu’elle apparaît : si son cœur se met à accélérer et qu’il craint d’avoir un malaise, il souhaite aussitôt que son cœur batte plus vite encore et qu’il soit victime d’une attaque cardiaque !
La méthode peut paraître absurde, mais sa logique est implacable : en suscitant ce désir paradoxal, le psychisme semble comme « antagoniser » la peur. Comment craindre et désirer en même temps sa peur ! L’angoisse se liquéfie véritablement. Les résultats sont spectaculaires, à condition de s’approprier la méthode avec humour et d’oser affronter sa peur. Par exemple, une personne ayant une phobie des grands magasins n’y fait plus ses courses depuis quatre ans. Elle redoute le passage en caisse, ayant peur de rougir et de trembler devant la caissière, puis de s’évanouir. Elle affronte sa peur et retourne au supermarché en souhaitant rougir et trembler devant la caissière jusqu’à s’évanouir. Au début, l’exercice réclame toute son attention, mais très rapidement, elle guérit de cette phobie. Le résultat est durable. Bien évidemment, ces résultats spectaculaires ne sont pas toujours la règle, et certains patients restent réticents. Il faut alors les accompagner en utilisant d’autres approches, notamment la « déréflexion ».
Un cas clinique.
Une femme se trouve envahie par des attaques de panique quelques semaines après son accouchement. Les crises se multiplient et se focalisent sur la douche. Elle ne peut plus en prendre, car elle craint d’avoir une nouvelle crise et de mourir : elle imagine alors son enfant orphelin et panique… Elle se sent triste et découragée à cause de ces peurs, et n’a plus goût à rien. Après une analyse clinique approfondie, je lui explique la méthode et lui prescris d’affronter sa peur. Elle prendra une douche matin et soir « en souhaitant avoir la plus belle crise d’angoisse et mourir sous la douche », « ce ne sera pas grave car il y aura bien quelqu’un d’autre dans sa famille pour s’occuper de son enfant… Tout ira donc pour le mieux ; elle n’aura plus de soucis et son enfant pourra se passer d’elle ! » Voilà un bien curieux traitement ! La jeune femme applique cette intention paradoxale le jour même en n’y croyant pas trop, et obtient un succès complet pendant trois jours, mais malheureusement, les crises reviennent et elle se décourage. Je la revois deux semaines plus tard, et lui demande de réappliquer la méthode. Résultat : elle contrôle parfaitement les crises d’angoisse sous la douche pendant près de deux semaines. La veille du rendez-vous suivant, elle sent l’angoisse monter en présence de sa famille. Elle se sent mal, mais arrive à appliquer aussitôt la méthode : elle se dit qu’elle va montrer la plus belle crise d’angoisse possible à ses proches et son état se calme. Elle est très fière d’avoir pu ainsi stopper la crise. Elle en est même joyeuse. Elle aura ensuite quelques crises d’angoisse sous la douche ou en famille, qu’elle contrôle aussitôt. Quelques mois plus tard, elle prend des douches pour se détendre !
(1) Colloque « Psychiatrie et logothérapie. L’apport de la pensée de Viktor Frankl », le 30 mars 2012 (9h-17h30), Centre Hospitalier Henri EY, 28 800 Bonneval, http://www.ch-henriey.fr. Renseignements : 02 37 44 76 04, communication@ch-henriey.fr
*Références :
V. Frankl, Theorie und Therapie der Neurosen. 2007, Ernst Reinhardt, Munich.
V. Frankl, Découvrir un sens à sa vie. 2006, Les éditions de l’Homme, Montréal.
V. Frankl, Nos raisons de vivre. 2009, InterÉditions-Dunod, Paris.
P. Le Vaou, Une psychothérapie existentielle. 2006, L’Harmattan, Paris.
Sclérothérapie par mousse : vous vous trompez
Paris (75)
Dr Patrice Radier
Dans votre supplément « Spécial femmes » du 8 mars, il est écrit dans l’article consacré aux veines, à propos des traitements, que la sclérothérapie par mousse sous échographie n’est efficace que sur les varices de petit calibre. Cela est faux. Cette technique apparue dans les années 90 et qui a fait l’objet de nombreuses publications est une véritable alternative à la chirurgie et permet de traiter les varices de gros calibre, avec des résultats à court et à long terme équivalents à ceux de la chirurgie. Ce traitement est nettement moins onéreux que les autres techniques endovasculaires (laser et radiofréquence) et peut se faire au cabinet médical et non au bloc opératoire, ne nécessitant pas d’arrêt d’activité.
Réponse à Denis Safran sur la nomination du PrJuvin
Melun (77)
Dr Paul Theron
Dans un récent « Quotidien », Denis Safran affirme que la nomination du Pr Juvin à la chefferie des urgences de l’HEGP, n’est pas le fruit de pressions politiques.
Connaissant la profonde honnêteté du Pr Safran et sa valeur professionnelle indiscutée (nous eûmes d’ailleurs les mêmes maîtres), je ne mets pas en doute sa parole sur ce plan, mais je continue à trouver cette nomination inadmissible :
- Non pas pour des raisons politiques, puisque je suis très proche des positions politiques de Monsieur Juvin – en dehors cependant de ma désapprobation totale de la loi HPST qui transforme les hôpitaux non universitaires en officine à la recherche du rendement (vous avez dit : « Un seul patron à l’hôpital : le directeur », on constate le résultat tous les jours).
- Non pas sur une quelconque mise en doute de la valeur professionnelle du Pr Juvin.
- Mais pour des raisons qui tiennent à l’impossibilité de cumuler autant de mandats : prof de fac, chef de service d’une structure recevant 51 000 urgences par an, député européen, maire d’une commune de 30 000 habitants, conseiller politique national… Comment est-ce possible ?
Je me rappelle d’un Denis Safran pourfendeur du secteur privé à l’hôpital. Là, on fait pire. Sur le plan des revenus, pour une large partie non ou très peu imposables, on est largement au-dessus des revenus les plus élevés du secteur privé des médecins hospitaliers, sans le moindre bénéfice pour le malade.
Veut-on ressusciter ces vieux mandarins du passé qui faisaient bosser leurs élèves et se contentaient des honneurs dus à leurs titres. Sur le plan de la morale : sur ces cinq fonctions, combien sont des emplois largement fictifs ? Député européen, maire ou chef des urgences de l’HEGP ? Qui est complice de cette fiction qui pourrait être appréciée sur le plan juridique, voire judiciaire, les directeurs d’hôpitaux mandatant les honoraires après vérification de la conformité au tableau de présence et « service fait » ?
Le Code de la Santé publique prévoit le détachement d’office d’un praticien titulaire d’un mandat parlementaire, comme le fit mon ami Alain Calmat, qui se refusa à ce type de cumul.
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