PAR LE Drs LAURENT BONELLO, SEBASTIEN ARMERO, MARC LAINE ET LE Pr FRANCK PAGANELLI*
LE SYNDROME coronaire aigu (SCA) est une complication de la maladie athéro-thrombotique qui nécessite une prise en charge comprenant la mise en œuvre d’un traitement médical, le plus souvent associé à une revascularisation coronaire. L’angioplastie est aujourd’hui la première forme de revascularisation coronaire. Elle nécessite un environnement pharmacologique spécifique comprenant une bithérapie antiagrégante, commune dans le SCA, et la prescription d’un traitement anticoagulant commencé le plus souvent au moment du diagnostic et arrêté après la revascularisation coronaire. L’association des traitements antiagrégant et anticoagulant est nécessaire, à la fois pour lutter contre le thrombus intracoronaire qui est à la base du SCA et pour prévenir la survenue de complications thrombotiques au cours de l’angioplastie (1). Leur action est synergique du fait des liens étroits qui existent dans le processus pathologique de formation du thrombus qui comporte, de façon simultanée et coopérative, l’activation des voies de la coagulation et de l’agrégation plaquettaire qui interagissent de façon complexe.
La survenue de complications thrombotiques est de mieux en mieux prévenue par la mise en place de cette association (2). Pourtant, l’amélioration de leur efficacité sur la thrombose a eu comme corollaire l’augmentation des complications hémorragiques. Celles-ci ont un impact pronostic majeur puisqu’elles sont associées à la morbi-mortalité à cours et à long terme (3).
Un des problèmes cliniques les plus fréquents est la nécessité de réaliser une anticoagulation à long terme en association au traitement antiagrégant. Le cas le plus courant étant l’angioplastie coronaire pour un SCA chez un patient sous anticoagulant au long cours pour une fibrillation atriale (FA). Cette situation est de plus en plus souvent rencontrée du fait de l’allongement de l’espérance de vie et de l’élargissement des indications d’anticoagulation dans la FA. Malgré cela, les données scientifiques sont peu nombreuses (1).
En salle de cathétérisme.
L’utilisation de la voie radiale est particulièrement indiquée chez les patients sous anticoagulant afin de réduire le risque hémorragique en salle de cathétérisme, principalement au point de ponction (4). Le plus souvent, elle permet de ne pas faire de fenêtre thérapeutique dans le traitement anticoagulant oral. Lorsque la voie fémorale est la seule possible, un arrêt temporaire de l’anticoagulant est à discuter en fonction du risque estimé de complications hémorragiques au point de ponction (obésité, âge …). Quand le risque thrombotique est trop important pour arrêter l’anticoagulant, certaines études suggèrent l’utilisation de système de fermeture percutanée du point de ponction pour réduire le risque de complications hémorragiques (5).
En ce qui concerne le traitement anticoagulant qui est habituellement associé en salle de cathétérisme aux antiagrégants afin de réduire le risque de complications thrombotiques, et notamment de thrombose de cathéter, les possibilités sont nombreuses mais peu étudiées. Nous avons opté pour l’administration d’un bolus réduit d’héparine dans le cathéter de dilatation coronaire, de 2 000 UI, pour prévenir la thrombose de cathéter.
À long terme.
Des recommandations ont été émises par l’ESC POUR l’angioplastie coronaire chez les patients nécessitant un traitement anticoagulant au longs cours (1) (Tableau 1). Ces recommandations sont fondées sur un consensus d’experts fautes de données scientifiques fortes. Il y est notamment proposé de réduire l’utilisation des stents actifs chez ces patients afin de diminuer la durée de la bithérapie. Pour autant, les patients sous anticoagulant oral représentent une cohorte à haut risque de nouveaux événements thrombotiques et cette limitation est donc particulièrement inadaptée. Les recommandations proposent de prendre en compte le risque hémorragique et le situation clinique pour déterminer le type de stent à utiliser et la durée de la trithérapie dans un algorithme complexe qui intègre le score de risque hémorragique HASBLED (1).
L’étude WOEST présentée à l’ESC est une avancée certaine pour nos patients sous anticoagulant (6). Bien que le nombre de patients inclus soit faible et que certaines limites restent à clarifier, elle est la première à s’intéresser à l’environnement pharmacologique optimal après angioplastie chez les patients sous anticoagulant. Elle a comparé une trithérapie associant antivitamine K, aspirine et clopidogrel à une bithérapie AVK-clopidogrel. Le critère principal était le taux de complications hémorragiques à un mois, le critère secondaire portait sur les complications thrombotiques. Il n’y a pas eu de différence concernant le taux d’événements thrombotiques entre les deux bras mais une réduction très significative du risque hémorragique a été constatée dans le groupe bithérapie. Cette étude, bien que préliminaire et devant être confirmée, suggère qu’un allégement de notre arsenal thérapeutique est possible chez ces patients qui le plus souvent conjuguent un haut risque thrombotique et un haut risque hémorragique. Ces résultats ont été embrassés par de nombreux centres, car la pratique ne répondait jusqu’ici à aucune donnée scientifique. Nous privilégions la bithérapie depuis plusieurs années suite aux résultats d’un registre monocentrique que nous menions sur ce thème important qui montrait sa sécurité thrombotique et le fort taux de complications hémorragiques sous trithérapie.
La confirmation des résultats de l’étude WOEST permettrait probablement de lever la limitation de l’utilisation des stents actifs chez les patients sous anticoagulant oral qui restent une de leurs dernières limites. L’arrivée des nouveaux anticoagulants oraux va encore modifier le paysage. Cependant, aucune donnée scientifique fiable n’est encore disponible. Là encore, l’élaboration de recommandations et de bonnes pratiques cliniques va prendre du temps et se révéler difficile.
* Unité de cardiologie interventionnelle et d’hémodynamique, CHU Nord, Marseille.
(1) Lip GY et coll. Eur Heart J 2010;31:1311-8.
(2) Cannon CPet coll. Lancet 2010;375:283-9.
(3) Nikolsky E et coll. JACC Cardiovasc Interv 2009;2:624-32.
(4) RIVAL Investigators. J Am Coll Cardiol 2012 Oct 12. doi:pii: S0735-1097(12)04322-7.
(5) Sanborn TA et coll. J Am Coll Cardiol 1993;22:1273-9.
(6) Ukena C et coll. Clin Res Cardiol 2012;101:861-74.
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