Abord d’hémodialyse, pontage

Des greffons vasculaires prêts à l’emploi obtenus par génie tissulaire

Publié le 04/02/2011
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DE NOTRE CORRESPONDANTE

DES GREFFONS autologues ou synthétiques sont utilisés en routine pour réaliser un pontage artériel (périphérique ou coronarien) dans la maladie cardio-vasculaire ou pour procurer un abord artérioveineux dans l’hémodialyse rénale.

Cependant, certains patients n’ont pas de veine adéquate pouvant être prélevée pour constituer un greffon autologue, ou ne peuvent pas recevoir un greffon synthétique.

Jusqu’ici, des greffons vasculaires issus du génie tissulaire (GVGT) obtenus par ensemencement de cellules souches de moelle osseuse autologues sur copolymère, ou en cultivant des fibroblastes et des cellules endothéliales autologues, ont montré des résultats prometteurs dans des essais cliniques précoces. Toutefois, seule la dernière approche s’est montrée suffisamment solide pour un usage dans la circulation artérielle, mais elle requiert un temps de culture de 6 à 9 mois et son coût de production est élevé (plus de 15 000 dollars).

Des chercheurs américains ont maintenant développé un autre type de greffon vasculaire obtenu par génie tissulaire.

Des cellules musculaires lisses de cadavres.

La stratégie pour produire ces greffons est la suivante. Des cellules musculaires lisses (CML) allogéniques, issues de donneurs cadavériques, sont cultivées sur un tube en polymère rapidement biodégradable (acide polyglycolique) dans un bioréacteur. Pendant la période de culture, les CML sécrètent des protéines de matrice cellulaire, principalement le collagène, pour former un tissu vasculaire biosynthétique. Puis, le tissu est débarrassé des cellules (décellularisé) par des détergents, laissant place seulement à de la matrice collagène qui n’est pas immunogène et peut être utilisée chez n’importe quel receveur.

Ces greffons vasculaires créés par génie tissulaire (GVGT) ont des propriétés mécaniques similaires à celles d’un vaisseau natif. Ils peuvent être conservés pendant un an à 4°C, et sont immédiatement disponibles pour une implantation en tant que greffon artérioveineux (vaisseau de gros calibre, 6 mm ou plus). De plus, ils peuvent être disponibles pour remplacer un vaisseau de petit calibre comme une artère périphérique ou coronarienne (3 à 4 mm) après une attente relativement courte (moins d’un mois), pour permettre l’isolement, l’expansion et l’ensemencement de cellules endothéliales autologues afin de réduire le risque de thrombose associée au petit calibre des greffons vasculaires.

Ces greffons vasculaires ont été évalués avec succès dans des modèles animaux. Des greffons humains de 6 mm de diamètre se montrent ainsi fonctionnels dans un modèle artérioveineux chez le babouin. Et des greffons canins de petit calibre (3 à 4 mm), ensemencés par des cellules endothéliales, ont été implantés avec succès dans des modèles canins de pontages périphérique et coronarien. Ces greffons s’intègrent bien avec les vaisseaux natifs aux sites d’anastomose et ne développent pas d’hyperplasie de l’intima. Leur perméabilité a pu être constatée jusqu’à 1 an. Ils résistent également à la dilatation et à la calcification, et sont peu sujets à l’infection, à l’obstruction ou à la thrombose.

Des essais cliniques en hémodialyse en vue.

« Non seulement ces veines créées par bioingénierie sont disponibles lorsque le patient en a besoin, mais la capacité à produire un grand nombre de greffons à partir d’une banque cellulaire permettra de réduire les coûts de production, en comparaison des autres stratégies de médecine régénérative », souligne dans un communiqué Shannon Dahl, premier signataire de l’étude et co-fondateur de la compagnie Humacyte (Durham, Caroline du Nord) qui a développé ces greffons. L’étude, menée en collaboration avec des chercheurs de la Duke University, de l’East Carolina University, et de la Yale University, est publiée dans la revue « Science Translational Medicine ».

« Ce sont les premières veines créées par bioingénierie à partir de cellules humaines qui conservent leur solidité durant une conservation simple prolongée, elles pourraient donc être immédiatement disponibles lorsqu’un patient en a besoin », précise au « Quotidien » Shannon Dahl. « Plus de 500 000 patients pourraient potentiellement bénéficier de cette nouvelle technologie chaque année », ajoute-t-il.

« Sur la base de ces résultats encourageants, nous préparons des essais cliniques dans le cadre de l’hémodialyse », confie-t-il.

Science Translational Medicine, Dahl et coll., 2 février 2011

 Dr VÉRONIQUE NGUYEN

Source : Le Quotidien du Médecin: 8900