Sutures mécaniques digestives

Gestion des risques peropératoires associés

Publié le 13/11/2012
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Crédit photo : S TOUBON

Par le Pr Karem Slim*

LES INCIDENTS en rapport avec les sutures mécaniques sont liés à un dysfonctionnement ou à une utilisation inadaptée de la pince mécanique. Méconnus ou mal gérés, ils peuvent avoir des conséquences graves. À titre indicatif, l’une des rares études publiées sur l’incidence de ces incidents est monocentrique et américaine et a montré une fréquence de près de 20 % avec les pinces mécaniques circulaires. Mais leur réelle incidence (à grande échelle) est difficile à chiffrer en l’absence de registre prospectif et malgré l’obligation réglementaire de faire des déclarations de matériovigilance. Toute enquête déclarative peut en sous-estimer la fréquence.

La Fédération de chirurgie viscérale et digestive (FCVD) a consacré sa troisième journée nationale (mars 2012) à la gestion des risques peropératoires associés aux sutures mécaniques digestives. Plusieurs questions étaient abordées : 1) la fréquence de ces incidents : état-des-lieux en France grâce à une enquête réalisée sur le terrain ; 2) la problématique du choix du matériel ; 3) les prérequis techniques de sécurité pour prévenir ces incidents ; 4) la récupération à mettre en œuvre lorsqu’un incident survient et 5) l’information à délivrer en préopératoire aux patients concernant les risques associés aux anastomoses mécaniques.

La communication des données de la base de retour d’expérience (base REX) et de notions de matériovigilance complétait ces présentations. Une table ronde impliquant tous les professionnels concernés par la problématique a été conduite en présence des participants.

Un jury composé de chirurgiens, de personnel paramédical, de représentants de la société civile et d’une association de patients s’est réuni à deux reprises, en mars et en mai 2012, pour rédiger des recommandations selon le plan indiqué dans le tableau ci-dessous.

Comment prévenir le risque d’incidents des sutures mécaniques ?

La prévention passe d’abord par des prérequis organisationnels liés à la connaissance du matériel, protocolisation écrite avec l’équipe paramédicale du type de matériel utilisé pour chaque intervention en préopératoire et valorisation de la check-list systématique au bloc opératoire comme outil permettant entre autres de vérifier la disponibilité du matériel de suture mécanique avant de débuter l’intervention. Le centre de soins doit aussi mettre en place une politique de choix des pinces dans l’établissement avec la participation des chirurgiens à ce choix. En salle d’opération, il est nécessaire d’aboutir à une coordination optimale entre l’équipe chirurgicale et l’équipe anesthésique en chirurgie bariatrique pour les gestes techniques (notamment la vérification de la présence d’une sonde au moment de l’agrafage).

La prévention repose aussi sur des prérequis techniques, par une organisation de la formation professionnelle de l’équipe avec la collaboration des cadres de santé, et une organisation de la salle d’opération qui doit aboutir à protocoliser les gestes en salle d’opération (qui prépare la pince ? qui la manipule ?). Les protocoles doivent être écrits.

Détection-récupération de l’incident.

La détection de l’incident est faite essentiellement par des moyens simples comme les tests de sécurité : les tests de sécurité (à l’air ou au bleu) sont fortement recommandés car ils permettent de détecter le défaut d’agrafage et de le réparer dans le même temps. Ces tests sont presque une exigence en termes de sécurité. Il est important d’en assurer la traçabilité dans le compte rendu opératoire.

Une fois l’incident reconnu, la récupération-résilience d’un défaut d’anastomose repose sur des artifices techniques qui vont de la simple suture à la reconfection complète de l’anastomose.

Déclaration de l’incident.

Tout incident imputable au matériel ou considéré comme tel doit faire l’objet d’une déclaration de matériovigilance. Il convient de signaler l’incident et de conserver le dispositif en l’état, avec numéro de lot et résumé de l’histoire de l’incident. Il est aussi recommandé de faire une déclaration de l’événement à l’organisme professionnel et à l’établissement et d’informer le patient si des conséquences cliniques ou fonctionnelles sont prévisibles. Les risques liés au caractère mécanique de l’anastomose ne justifient pas une information spécifique préopératoire.

Surveillance spécifique post-incident, traçabilité, continuité des soins.

Aucune surveillance spécifique post-incident ne peut faire l’objet d’une recommandation. La surveillance doit être clinique et radiologique au moindre doute (scanner avec opacification). La traçabilité exige de notifier tout incident ainsi que sa résilience dans le compte rendu opératoire. La continuité des soins impose de garantir la transmission de toute information concernant l’événement à toute personne de l’équipe paramédicale et médicale qui sera en charge de la surveillance postopératoire.

* Vice-président de la Fédération de chirurgie viscérale et digestive (FCVD).

Lien d’intérêt :aucun.


Source : Bilan spécialistes