Le concept de check-list vient directement de l’aviation civile, où existe depuis longtemps une procédure de vérification d’un certain nombre de points avant de démarrer. Dans le cadre d’un programme de prévention des risques, l’Organisation mondiale de la santé a établi une check-list de 18 critères, dont l’impact a été testé selon une méthodologie de type « avant/après » dans 8 pays de niveau économiques différents (Europe, États-Unis, Nouvelle-Zélande, Tanzanie, Inde). Les résultats, publiés dans le NEJM (1) ont été très nets, avec, dans tous les pays, une réduction de la mortalité et des complications. La Haute autorité de santé (HAS), naturellement intéressée par cette démarche, a travaillé à une adaptation de la check-list de l’OMS, ce qui a abouti à l’élaboration d’une check-list permettant une vérification orale croisée et un partage de l’information.
« L’implémentation de la check-list en janvier 2010, s’est peut-être faite un peu brutalement, mais elle a depuis trouvé sa place », analyse le Pr Vincent Piriou en précisant que l’un des premiers obstacles lié à la théatralisation est désormais largement dépassé. « La vraie question aujourd’hui porte plutôt sur ce qu’on doit attendre de la check-list. Les blocs opératoires sont très sûrs, avec un niveau de risque très bien maîtrisé et le risque s’est ainsi déplacé vers les services de chirurgie, où, pour différentes raisons (manque global de personnel, tarification à l’activité qui a entraîné un recentrage du temps médical en consultations et au bloc) il y a moins de médecins et moins de soignants ».
Une équipe néerlandaise (2) a réalisé un « chemin clinique », de l’entrée du patient à l’hôpital à sa sortie et, à partir des événements cliniques déclarés, a établi un « parcours de soins idéal » (SURPASS, Surgical Patient Safety System) d’une douzaine de fiches avec 90 items où chaque corps de métier a une petite check-list à remplir. « Ce travail montre clairement que l’application de vérifications selon ce chemin clinique permet d’intercepter la grande majorité des incidents qui surviennent avant ou après le passage au bloc », souligne le Pr Piriou.
La cible pour les années à venir pourrait ainsi être le parcours du patient au sens large plus que le bloc opératoire lui-même.
Favoriser le travail en équipe
Pour en revenir à la problématique du bloc opératoire, le point crucial concerne le partage des informations et la communication, et à cet égard, la check-list constitue un moyen de progrès. Le partage des informations entre anesthésistes, chirurgiens, infirmières anesthésistes, infirmiers de blocs opératoires (IBODE) et aides-soignants, se fait sous la coordination d’un cadre de bloc, mais force est de constater qu’au quotidien, toutes les informations ne passent pas. Et les problèmes de communication peuvent à l’origine d’événements indésirables. Rétablir la communication est l’un des objectifs de la check-list, qui vise également à accroître la confiance dans le travail d’équipe et améliorer la standardisation des procédures, facteur de réduction de la morbimortalité.
La mise en place de la check-list nécessite un travail préparatoire pour donner les réponses aux différents items, et un travail pédagogique. Elle doit se nourrir des événements évités et des « histoires de chasse » des chirurgiens, situations rares mais qui existent et qui font régulièrement la Une des journaux.
Comment la check-list est-elle aujourd’hui appliquée dans les blocs ? Après un relatif choc initial, la majorité des équipes a pris l’habitude de la faire, même si les conditions de réalisation ne sont pas toujours parfaites, notamment lors de la phase de « sign-out ». Mais dans tous les cas, la check-list améliore la culture de sécurité et constitue une base de réflexion pour les différents protagonistes. Une étude menée par la HAS (EPSILIM) montre que dans quasiment tous les établissements, la check-list a permis d’éviter des erreurs graves, qu’elle améliore le bon moment de l’antibiothérapie ou la compliance à la thromboprophylaxie.
De façon globale, la qualité de réalisation dépend du leadership médical. Les soignants ont la culture de la sécurité, « mais il faut que les anesthésistes et les chirurgiens y croient », insiste le Pr Piriou qui souligne certaines barrières rencontrées en pratique : peur de la hiérarchie, peur de la prise de parole en public ou encore formation insuffisante du personnel, accrue par l’important turn-over actuel.
D’après un entretien avec le Pr Vincent Piriou, Université Claude Bernard Lyon-1, service d’anesthésie et de réanimation médicale et chirurgicale, centre hospitalo-universitaire Lyon Sud, hospices civils de Lyon.
(1) Haynes AB et al. A Surgical Safety Checklist to Reduce Morbidity and Mortality in a Global Population. N Engl J Med 2009;360:491-9.
(2) De Vries EN et al. Effect of a comprehensive surgical safety system on patient outcomes. N Engl J Med 2010;363:1928-37.
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