Par le Pr Jean-Pierre Triboulet*
LA PRISE EN CHARGE en ambulatoire reste une alternative ! La première recommandation de la Société internationale de chirurgie ambulatoire est de considérer la chirurgie ambulatoire, comme la norme, et non l’hospitalisation complète, pour les interventions programmées. Ce constat a été traduit dans la réglementation de plusieurs pays. Il était au cœur du projet de décret portant au dispositif d’autorisation de l’activité de soins « chirurgie ». Il faisait partie des huit constats proposés en 2010 par l’ANAP, la HAS et l’AFCA et adoptés dans un « diagnostic partagé » par la puissance publique.
L’ambulatoire est la référence en termes de prise en charge chirurgicale et non une alternative possible. Le nouveau décret va à l’encontre de cette exigence de qualité, de sécurité et d’efficience des soins en chirurgie. De ce point de vue, il est régressif par rapport à l’état de l’art.
Deux des principes fondamentaux tenant à la qualité des soins, à la sécurité des patients ont été supprimés du texte initial de 1992 dans le nouveau décret : l’attribution en propre de personnels et de locaux dédiés aux unités de chirurgie ambulatoire.
La notion le personnel dédié des unités de chirurgie ambulatoire du décret de 1992 est remplacée par « un personnel formé à l’ambulatoire », formule floue qui laisse la possibilité d’une mutualisation du personnel avec les secteurs de l’hospitalisation conventionnelle insuffisamment formé à la chirurgie ambulatoire.
Cette notion de personnel dédié est capitale pour l’acquisition d’une culture ambulatoire et la qualité des soins, elle est également rappelée dans le « socle de connaissances » publié récemment conjointement par l’ANAP et par laHAS en 2012.
Une phrase du décret de 1992 stipulait que « au cours de la durée d’ouverture, les locaux affectés à chaque unité de soins qui composent la structure ne peuvent être utilisés pour aucune autre activité » ; cette phrase a été supprimée du nouveau décret, ce qui revient à dire que les locaux, attribués en propre aux unités de chirurgie ambulatoire, ne sont plus dédiés exclusivement à cette activité, mais peuvent être utilisés pour d’autres types d’activités « durant la durée d’ouverture ». De l’avis de toutes les sociétés savantes spécialisées, le mélange des flux de patients accroît les risques, plombe l’efficience et freine les changements culturels et les changements de comportements nécessaires.
Envolés les principes de normes, de personnels dédiés, de locaux dédiés, considérés comme des éléments fondamentaux de la qualité de la chirurgie ambulatoire et de la sécurité des soins.
Sur quels arguments ? Sous l’influence de quels non-professionnels de la chirurgie ambulatoire et sous quelles pressions a-t-on supprimé ces éléments fondamentaux du nouveau décret ? En publiant ce nouveau texte, la DGOS prend le risque de porter atteinte à la qualité de la chirurgie ambulatoire, à l’amélioration de la performance des établissements et au développement de ce type de prise en charge.
Le poids du silence.
Le nouveau décret ignore les très importantes et nécessaires modifications de l’exercice de chirurgie ambulatoire. Le décret du 20 août 2012 était supposé améliorer le décret de 1992 relatif aux alternatives à l’hospitalisation complète et tenir compte des évolutions de cette prise en charge adoptée par de très nombreux pays. Les travaux de la Société internationale de chirurgie ambulatoire (IAAS), comme le « Policy Brief » publié avec le « European Observatory on Health Systems and Policies » ou les programmes de recherche financés par la Commission européenne afin d’inciter au développement de la chirurgie ambulatoire, conçue comme vecteur de la sécurité et de la qualité de la chirurgie en Europe, l’attestent. Les propositions faites en ce sens émanant des professionnels, des acteurs de la chirurgie ambulatoire dont l’AFCA entre 2006 et 2008 avaient été retenues par la DGOS dans le projet de décret présenté au Conseil d’État en juillet 2008.
Le nouveau décret passe en particulier sous silence l’exigence suivante : « l’autorisation de pratiquer l’activité de soins en chirurgie ne peut être accordée que si l’établissement assure aux patients les deux modalités de prise en charge : prise en ambulatoire et prise en charge en hospitalisation à temps complet ». Cette absence d’obligation nuit au développement de la chirurgie ambulatoire, car elle n’incite pas les établissements à proposer ce type de prise en charge à côté de l’hospitalisation complète ; la suppression de cette incitation forte ouvre la porte à une inégalité de l’accès aux soins des usagers, à des soins de qualité optimale pour le patient privé d’une option « prise en charge » en ambulatoire dans l’établissement qui le reçoit.
Le nouveau décret n’évoque pas non plus la possibilité d’ouverture de centres indépendants à activité exclusivement ambulatoire, modalité d’avenir du développement de cette chirurgie ambulatoire car reconnue comme optimale dans tous les pays l’ayant évaluée.
Des éléments fondamentaux supprimés.
En conclusion, en dehors de quelques arrangements d’ordre technique ou logistique favorisant le fonctionnement des unités de chirurgie ambulatoire au quotidien, le décret a supprimé des éléments fondamentaux de la spécificité de cette prise en charge et a ignoré les modalités de progrès pour le développement de la chirurgie ambulatoire. En l’état actuel, le nouveau décret est une régression par rapport au texte précédent et il est considéré par les professionnels de la chirurgie ambulatoire comme un recul potentiellement grave pour la qualité des soins, la sécurité des patients et l’efficience des établissements.
* Président de l’Association française de chirurgie ambulatoire (AFCA). Lien d’intérêt : aucun.
1) Ministère des Affaires sociales et de la Santé ; n° 2012-969 du 20/08/2012, publié au Journal officiel de 22/08/2012.
NDLR : cet article est également publié sur le site de l’AFCA depuis le 1er octobre 2012 : http://chirurgie-ambulatoire.org.
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