L’épidermolyse bulleuse dystrophique récessive (RDEB) se caractérise par des plaies récurrentes et douloureuses chez les enfants qui en sont victimes. On savait déjà que certaines bactéries de la flore cutanée peuvent devenir pathogènes une fois en contact avec de telles lésions, à l’image du staphylocoque doré, systématiquement recherché lors de la prise en charge de jeunes patients. Des chercheurs Inserm de l’Institut Necker-Enfants Malades viennent de comprendre en partie la relation complexe qui existe entre ces bactéries et la sévérité de la maladie.
En analysant les prélèvements réalisés chez 15 malades issus de la cohorte du centre national de référence des maladies rares de la peau, ils ont démontré que certaines souches de staphylocoque sont associées à un risque accru de syndrome inflammatoire et de forme sévère de la maladie.
Sur les 15 enfants inclus, 10 présentaient une forme sévère et 5 une forme plus modérée. Les chercheurs ont fait une comparaison avec les prélèvements réalisés chez 18 enfants de la même tranche d’âge, sans maladie de peau. Dans l’article qu’ils ont publié dans Science Translational Medicine, ils décrivent les bactéries prélevées sur les plaies, les cellules immunitaires et les différents marqueurs de l’inflammation, ainsi que la réaction in vitro de cellules immunitaires mises en contact avec ces bactéries. Au total, 800 protéines constitutives du plasma sanguin, 30 types de cellules immunitaires et 38 cytokines ont été recherchées et quantifiées.
Les MAIT, une population particulière de lymphocytes
Les enfants atteints de forme sévère avaient un syndrome inflammatoire marqué, caractérisé par une forte présence de lymphocytes T CD4+ et de lymphocytes T invariants associés aux muqueuses (MAIT), tous les deux producteurs d’interleukine 17A. Les MAIT, qui représentent 10 % des lymphocytes circulants, sont très abondants au niveau de la peau humaine où ils constituent la principale source d’interleukine 17A.
Des altérations de leur fonctionnement et de leur prolifération ont déjà été décrites dans plusieurs pathologies de la peau. Ces cellules ont de plus un rôle connu, quoiqu’encore peu clair, dans la cicatrisation. L’interleukine 17A, quant à elle, est une cytokine pro-inflammatoire qui induit une réponse immunitaire innée et promeut la réparation tissulaire. Toutefois, produite en trop grande quantité, elle contribue aux maladies inflammatoires et à la fibrose.
De tels déséquilibres peuvent, selon les auteurs, aggraver les plaies, ralentir leur guérison et affecter l’état général du patient. Les souches bactériennes prélevées chez les malades sévères avaient une agressivité supérieure à celle des staphylocoques prélevés chez les patients non malades ou ayant une forme modérée. Pour le prouver, les chercheurs les ont mis en contact avec des lymphocytes T (CD4+ et MAIT), ce qui a déclenché une réaction immunitaire plus forte que celles observées chez les enfants avec des formes moins graves de la maladie. De façon très cohérente, les chercheurs ont trouvé que les enfants atteints de forme sévère de RDEB présentent des concentrations plasmatiques élevées d’interleukine 17A, 17F et 22.
Chez deux patients, il a également été noté une persistance de clones de staphylocoque doré pendant au moins un an, ainsi que des propriétés pro-inflammatoires qui leurs sont associées, signe des difficultés du système immunitaire à les éliminer. Il est aussi important de préciser que les souches bactériennes décrites dans la publication sont assez courantes en France, et notamment fréquemment détectées dans les cohortes de jeunes patients atteints de mucoviscidose.
Des candidats traitements existent déjà
Ces résultats permettent d’envisager la personnalisation du traitement de l’enfant malade en fonction de la souche bactérienne présente sur sa peau. Ils permettront également à terme de mieux comprendre et surveiller l’évolution de la maladie grâce à des marqueurs sanguins, sans recours à la biopsie. Des travaux seront nécessaires pour comprendre les mécanismes de sélection des clones persistants de staphylocoque doré et la manière dont ils induisent une réponse lymphocytaire productrice d’interleukine 17.
« Des anticorps monoclonaux dirigés contre l’interleukine 17A existent déjà (sécukinumab, ixékizumab, brodalumab) et d’autres comme le bimékizumab ciblent à la fois les interleukines 17A et 17F, ajoutent les chercheurs. Ils sont déjà efficaces pour bon nombre de patients atteints de maladie chronique de la peau. Nos résultats fournissent une base crédible pour évaluer leur intérêt chez les patients atteints d’épidermolyse bulleuse ».
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