L’âge se voit sur la peau

Les stigmates d’une jeunesse qui s’enfuit

Publié le 16/11/2010
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LE VIEILLISSEMENT est un processus multifactoriel (1). Il est très variable selon les individus et dépend de facteurs intrinsèques comme l’âge et la carence estrogénique de la ménopause, ainsi que de facteurs extrinsèques, dominés par l’exposition aux UV et les intempéries, ainsi que l’addiction tabagique (2). Il est avant tout naturel, la peau étant soumise aux effets du temps. Le vieillissement est lié à une altération des mécanismes de réparation ou de maintenance des cellules. Avec l’âge, le taux de renouvellement de l’épiderme diminue, de même que son épaisseur. Le nombre de mélanocytes diminue également dans l’épiderme, ce qui explique que la protection contre le rayonnement solaire est amoindrie. Les cellules de Langerhans, des cellules dendritiques présentatrices d’antigènes transépithéliales, sont également moins nombreuses. Il en va de même des vaisseaux, des fibroblastes, des sécrétions sudorales et sébacées. Enfin, les fibres élastiques sont altérées.

À côté de ce vieillissement cutané chronologique, intrinsèque, auquel nous sommes tous soumis (mais avec quelques inégalités génétiques), le vieillissement extrinsèque est provoqué par l’exposition de la peau à des facteurs environnementaux, principalement le rayonnement solaire, les intempéries et le tabagisme (3). Le vieillissement cutané dû à la carence estrogénique de la ménopause est à rapprocher du vieillissement lié à l’âge. Le derme perd une partie de son collagène, tout comme l’os perd du collagène, ce qui est à l’origine de l’ostéoporose. Parallèlement, l’épiderme s’amincit et que la peau s’assèche et se flétrit.

Le soleil, ennemi numéro 1 de la peau.

Le soleil est considéré par les dermatologues comme l’ennemi numéro 1 de la peau. Le photovieillissement ou héliodermie est lié directement au rayonnement solaire. Il est en effet l’élément essentiel du vieillissement cutané. Ses effets délétères sont actuellement bien connus. Les ultra-violets sont en effet responsables d’une fragilisation cutanée qui empêche le renouvellement d’un tissu élastique de qualité, l’élastose solaire. L’épiderme s’amincit et peut devenir le siège de dyschromies, ou lentigo solaire, et d’hyperkératoses, qui sont un facteur de risque de cancer cutané. Les intempéries (le froid, la chaleur) jouent un rôle d’accélérateur du vieillissement de la peau en diminuant son système de défense immunitaire, en réduisant son hydratation et en diminuant sa desquamation. Le vieillissement en rapport avec l’exposition aux ultra-violets et aux intempéries prédomine sur les régions photo-exposées et chez les sujets de phototype clair.

Le tabac, enfin, majore beaucoup le vieillissement cutané et surtout le photovieillissement. Le nombre de rides faciales est ainsi proportionnel au nombre de paquets-années de cigarettes fumées. Il a été également suggéré que cet effet atteint également d’autres parties du corps, notamment les zones non exposées (4).

Lorsqu’on s’approche véritablement de la vieillesse et que des pathologies dermatologiques propres à l’âge avancé apparaissent, il est important d’intervenir au plus vite.

Une heure pour qu’une escarre se forme, un an pour la guérir.

Concernant spécifiquement les troubles trophiques, « il faut une heure pour qu’une escarre se forme et il faut un an pour la guérir ». L’ensemble des troubles trophiques liés à la grande vieillesse doit faire l’objet d’une grande vigilance en amont : personnel infirmier plus nombreux, mieux formé à ces pathologies induites spécifiques et surtout mieux équipé de matelas anti-escarres et de pansements spécifiques, très efficaces. Encore faut-il que la lésion ne soit pas déjà trop étendue… Les facteurs de prédisposition doivent être connus (5). Il s’agit de facteurs intrinsèques comme une réduction de la mobilité ou un statut nutritionnel précaire, mais aussi extrinsèques comme la pression et les frottements. Les mesures de prévention nécessitent un dépistage des personnes à risque, et la prise en charge des lésions doit suivre une approche globale.

D’après un entretien avec le Pr Gérard Lorette (service de dermatologie, CHU Trousseau, Tours).

Références

(1) Rabe JH, et coll. Photoaging: mechanisms and repair. J Am Acad Dermatol 2006 ; 55 (1) : 1-19.

(2) Beylot C. Vieillissement cutané : aspects cliniques, histologiques et physiopathologiques. Ann Dermatol Vénéréol 2009 ; 136 (Suppl. 6) : S263-9.

(3) Landau M. Exogenous factors in skin aging. Curr Probl Dermatol 2007 ; 35 : 1-13.

(4) Helfrich Y, et coll. Effect of smoking on aging of photoprotected skin : evidence gathered using a new photonumeric scale. Arch Dermatol 2007 ; 143 (3) : 397-402.

(5) Castex A. Revue des étapes essentielles dans la prise en charge des escarres chez le sujet âgé. Cah Annee Gerontol 2009 ; 1 : 98-101.

Dr GÉRARD BOZET

Source : Le Quotidien du Médecin: 8856