ÊTRE « acteur en santé publique » pour la CNAM-TS signifie qu’elle ne se limite plus à la seule fonction bien réductrice de « payeur » – soit rembourser les dépenses – et pas non plus de « censeur », au sujet des génériques ou des indicateurs de bonne pratique des praticiens. Trois conférences ont parfaitement illustré cette véritable révolution, puisque l’on a pu apprécier à la fois les immenses moyens dont dispose la CNAM et les ambitions des actions entreprises, en termes de contribution à la vie de la médecine dans notre pays. Ceci devrait répondre aux questions que se posent les praticiens, surtout les spécialistes du diabète, voire à leurs inquiétudes.
Mme Dominique Polton, directrice de la stratégie, a d’abord longuement expliqué que la CNAM poursuit trois buts : respecter l’ONDAM, enveloppe annuelle prévue pour la santé, ce qui est le cas depuis deux années maintenant ; rechercher les pistes de gain, en termes d’efficience, sur la base de données précises et considérables : des milliards de chiffres qu’il est possible de croiser et le parcours de patients qu’il est possible de suivre ; enfin, offrir des services tels que le programme SOPHIA, développé par M. Emmanuel Gomez – un programme d’accompagnement lancé sur des sites pilotes en 2010 et étendu à l’échelle nationale depuis 2 013 – ou encore réaliser des études cruciales sur le développement des pratiques médicales et, en croisant avec le PMSI identifier d’éventuels effets indésirables graves : cet aspect a été développé par le Dr Anne Fagot.
Des données considérables pour des travaux essentiels.
Après tant d’années à avoir rapporté les formidables et immenses études établies sur des bases de données en Grande-Bretagne, aux États-Unis, dans les pays Nordiques, les diabétologues en France faisaient état de leur frustration à ne disposer de rien de tel pour notre pays. On doit donc se réjouir de constater que la CNAM-TS dispose aujourd’hui, avec le SNIIRAM (Système National Informatique Inter Régimes de l’Assurance-maladie), de très puissants moyens pour analyser les comportements médicaux et leur évolution, au travers des données sur la base des actes médicaux. Leur utilisation doit faire face aux grands enjeux de santé, surtout les maladies chroniques, dans le sens de l’efficience.
Il est ainsi actuellement possible de suivre un parcours patient, celui de groupes homogènes de patients et ainsi de savoir beaucoup quant à leur utilisation du système de santé, non pas uniquement afin de connaître et surveiller les dépenses, mais de savoir comment et par qui ils sont soignés, leur utilisation de l’existant, libéral, laboratoires, radiologie, hôpital etc. On peut n’y voir qu’un big brother inquisiteur, ou au contraire une source formidable de travaux et la CNAM est à ce propos très largement sollicitée aujourd’hui pour réaliser des travaux du plus haut intérêt.
Les actions de la CNAM : SOPHIA en premier lieu.
La loi a donc autorisé la CNAM à se lancer dans des actions de santé publique et, sur la base du modèle anglo-saxon, de « disease management », le programme SOPHIA a été lancé. On ne reviendra pas sur les buts et méthodes de ce programme d’accompagnement bien connu, et qui peut concerner maintenant l’ensemble des diabétiques en France qui acceptent de s’y associer. Le débat avec la salle a beaucoup tourné autour de la généralisation du programme à tous les diabétiques alors que la phase pilote ne semblait pas encore suffisamment analysée et jugée favorable pour étendre le programme à tous. Il semblait surprenant pour certains dans l’auditoire que l’on exige tant d’évaluation pour des actions menées, comme celles des « Réseaux Diabète », alors que la CNAM étendait déjà cette action SOPHIA sur la base d’assez peu de résultats tangibles, selon l’auditoire du moins. Certes, il existe des données favorables du programme SOPHIA mais ils semblent aux yeux de beaucoup comme encore bien modestes.
Des regrets et frustration chez les diabétologues.
D’autres actions de la CNAM sont en projet, en particulier pour accompagner la mise à l’insuline des diabétiques de type 2 à domicile par des médecins généralistes et des infirmiers libéraux. Pour ce projet, comme pour SOPHIA, les diabétologues ont rappelé l’absence de tout rôle clairement défini pour leur spécialité dans le parcours de soin des diabétiques, qui décrit pourtant celui du médecin traitant, des paramédicaux et autres acteurs de santé. On ne peut que partager leurs interrogations. Les représentants de la CNAM-TS présents ont rappelé que la définition du rôle du diabétologue dans le parcours de soins ne relève pas de leurs attributions, mais que, dans l’hypothèse où ce rôle serait défini, ils mettraient en œuvre tout moyen pour faire appliquer la règle.
Des données de grandes études et de nombreux papiers attendus.
Aujourd’hui, selon le Dr Anne Fagot de la CNAM-TS, les données dont dispose cet organisme sont considérables, et pas moins de 300 articles seraient en cours de rédaction et de très nombreuses collaborations déjà entreprises avec divers chercheurs cliniciens indépendants de la CNAM-TS. On a pu ainsi bénéficier de la communication du bilan de l’activité de la chirurgie bariatrique en France pour l’année 2 011. Les chiffres sont impressionnants. Plus de 30 000 gestes, contre 15 000 en 2006, avec une moindre proportion de mise en place d’anneaux gastriques (< 25 % des actes), plus de by-pass et une montée en puissance rapide des « sleeve gastrectomies » (75 % des gestes en 2 011 soit + 65 % d’augmentation sur l’année). Nous consacrons un article propre à ces données dans ce numéro (page 3). Il a aussi été rapporté une étude depuis peu publiée (2) quant au risque de cancer sous glargine (Lantus), comparé à celui constaté sous d’autres schémas d’insuline basale, et qui rassure pleinement à propos de cet analogue de l’insuline, sujet qui avait tant inquiété depuis quelques années.
On voit ainsi que, maintenant, notre pays est en mesure de réaliser des études d’envergure à l’instar d’autres grands pays. En somme, une session passionnante et prometteuse quant à l’avenir des contributions de la CNAM-TS et d’autres interventions dans les prochains congrès de notre société savante.
(1) loi n° 2004-71 du 2 août 2004
(2) Fagot JP, Blotière PO, Ricordeau P, Weill A, Alla F, Allemand H. Does insulin glargine increase the risk of cancer compared with other basal insulins ? : A French nationwide cohort study based on national administrative databases. Diabetes Care. 2 013 Feb ; 36 (2) : 294-301.
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